lunes, marzo 12, 2018

La Berceuse De L'Oignon


L'oignon c'est du givre
fermé et pauvre:
givre de tes jours

et de mes nuits.
Faim et oignon:
glace noire et givre
grand et rond.

Dans le berceau de la faim
était mon enfant.

Avec le sang de l'oignon
il s'allaitait.
Mais ton sang,
givré de sucre,
oignon et faim.

Une femme brune,
transformée en lune,
se répand fil à fil
sur ton berceau.
Ris, enfant,
parce que tu avales la lune
quand il le faut.

Alouette de ma maison,
ris beaucoup.
C'est ton rire dans les yeux
la lumière du monde.
Ris tellement
que dans l'âme, à t'entendre,
batte l'espace.

Ton rire me rend libre,
me donne des ailes.
M'enlève les solitudes
m'arrache la prison.
Bouche qui vole,
cœur qui sur tes lèvres
lance des éclairs.

C'est ton rire l'épée
la plus victorieuse.
Vainqueur des fleurs
et des alouettes.
Rival du soleil,
avenir de mes os
et de mon amour.

La chair battant des ailes,
la paupière subite,
et l'enfant comme jamais
coloré.
Combien de chardonnerets
s'élèvent un à un, battent des ailes,
depuis ton corps!

Je me suis réveillé d'être enfant.
Ne te réveille jamais.
Je porte la bouche triste.
Toi, ris toujours.
Toujours dans le berceau,
défendant le rire
plume à plume.

Être d'un vol si haut,
si étendu,
que ta chair semble
un ciel tamisé.
Si je pouvais
remonter a l'origine
de ta course!

Au huitième mois tu ris
avec cinq fleurs d'oranger.
Avec cinq minuscules
férocités.
Avec cinq dents
comme cinq jasmins
adolescents.

Frontières des baisers
elles seront demain,
quand dans la denture
tu sentiras une arme.
Tu sentiras un feu
courir des dents jusqu'en bas
cherchant le centre.

Vole enfant dans la double
lune des seins.
eux, tristes par l'oignon.
Toi, satisfait.
Ne t'écroule pas.
Ne sache pas ce qui se passe
ni ce qui arrive.





Une illustration de Miguel Tanco




Miguel Hernández

Traduction de Sara Solivella et Philippe Leigne

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