martes, mayo 15, 2018

I had the courage...


I had the courage to look backward
The ghosts of my days
Mark my way and I mourn them
Some lie moldering in Italian churches
Or in little woods of citron trees
Which flower and bear fruit
At the same time and in every season
Other days wept before dying in taverns
Where ardent odes became jaded
Before the eyes of a mulatto girl who inspired poetry
And the roses of electricity open once more
In the garden of my memory




Marc Chagall: Le Printemps





Guillaume Apollinaire

Translated by Daisy Aldan


J'ai eu le courage...


J'ai eu le courage de regarder en arrière
Les cadavres de mes jours
Marquent ma route et je les pleure
Les uns pourrissent dans les églises italiennes
Ou bien dans de petits bois de citronniers
Qui fleurissent et fructifient
En même temps et en toute saison
D'autres jours ont pleuré avant de mourir dans des tavernes
Où d'ardents bouquets rouaient
Aux yeux d'une mulâtresse qui inventait la poésie
Et les roses de l'électricité s'ouvrent encore
Dans le jardin de ma mémoire




Marc Chagall: Le Printemps






Guillaume Apollinaire


sábado, mayo 12, 2018

Zone

(Français)


À la fin tu es las de ce monde ancien

Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin

Tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine

Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes
La religion seule est restée toute neuve la religion
Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation

Seul en Europe tu n'es pas antique ô Christianisme
L'Européen le plus moderne c'est vous Pape Pie X
Et toi que les fenêtres observent la honte te retient
D'entrer dans une église et de t'y confesser ce matin
Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut
Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux
Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d'aventures policières
Portraits des grands hommes et mille titres divers

J'ai vu ce matin une jolie rue dont j'ai oublié le nom
Neuve et propre du soleil elle était le clairon
Les directeurs les ouvriers et les belles sténodactylographes
Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent
Le matin par trois fois la sirène y gémit
Une cloche rageuse y aboie vers midi
Les inscriptions des enseignes et des murailles
Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent
J'aime la grâce de cette rue industrielle
Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l'avenue des Ternes

Voilà la jeune rue et tu n'es encore qu'un petit enfant
Ta mère ne t'habille que de bleu et de blanc
Tu es très pieux et avec le plus ancien de tes camarades René Dalize
Vous n'aimez rien tant que les pompes de l'Église
Il est neuf heures le gaz est baissé tout bleu vous sortez du dortoir en cachette
Vous priez toute la nuit dans la chapelle du collège
Tandis qu'éternelle et adorable profondeur améthyste
Tourne à jamais la flamboyante gloire du Christ
C'est le beau lys que tous nous cultivons
C'est la torche aux cheveux roux que n'éteint pas le vent
C'est le fils pâle et vermeil de la douloureuse mère
C'est l'arbre toujours touffu de toutes les prières
C'est la double potence de l'honneur et de l'éternité
C'est l'étoile à six branches
C'est Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le dimanche
C'est le Christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs
Il détient le record du monde pour la hauteur

Pupille Christ de l'oeil
Vingtième pupille des siècles il sait y faire
Et changé en oiseau ce siècle comme Jésus monte dans l'air
Les diables dans les abîmes lèvent la tête pour le regarder
Ils disent qu'il imite Simon Mage en Judée
Ils crient s'il sait voler qu'on l'appelle voleur
Les anges voltigent autour du joli voltigeur
Icare Énoch Élie Apollonius de Thyane
Flottent autour du premier aéroplane
Ils s'écartent parfois pour laisser passer ceux qui portent la Sainte-Eucharistie
Ces prêtres qui montent éternellement en élevant l'hostie
L'avion se pose enfin sans refermer les ailes
Le ciel s'emplit alors de millions d'hirondelles
À tire d'aile viennent les corbeaux les faucons les hiboux
D'Afrique arrivent les ibis les flamands les marabouts
L'oiseau Roc célébré par les conteurs et les poètes
Plane tenant dans les serres le crâne d'Adam la première tête
L'aigle fond de l'horizon en poussant un grand cri
Et d'Amérique vient le petit colibri
De Chine sont venus les pihis longs et souples
Qui n'ont qu'une seule aile et qui volent par couples
Puis voici la colombe esprit immaculé
Qu'escortent l'oiseau-lyre et le paon ocellé
Le phénix ce bûcher qui soi-même s'engendre
Un instant voile tout de son ardente cendre
Les sirènes laissant les périlleux détroits
Arrivent en chantant bellement toutes trois
Et tous aigle phénix et pihis de la Chine
Fraternisent avec la volante machine

Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule
Des troupeaux d'autobus mugissants près de toi roulent
L'angoisse de l'amour te serre le gosier
Comme si tu ne devais jamais plus être aimé
Si tu vivais dans l'ancien temps tu entrerais dans un monastère
Vous avez honte quand vous vous surprenez à dire une prière
Tu te moques de toi et comme le feu de l'Enfer ton rire pétille
Les étincelles de ton rire dorent le fond de ta vie
C'est un tableau pendu dans un sombre musée
Et quelquefois tu vas la regarder de près

Aujourd'hui tu marches dans Paris les femmes sont ensanglantées
C'était et je voudrais ne pas m'en souvenir c'était au déclin de la beauté

Entourée de flammes ferventes Notre-Dame m'a regardé à Chartres
Le sang de votre Sacré-Coeur m'a inondé à Montmartre
Je suis malade d'ouïr les paroles bienheureuses
L'amour dont je souffre est une maladie honteuse
Et l'image qui te possède te fait survivre dans l'insomnie et dans l'angoisse
C'est toujours près de toi cette image qui passe

Maintenant tu es au bord de la Méditerranée
Sous les citronniers qui sont en fleur toute l'année
Avec tes amis tu te promènes en barque
L'un est Nissard il y a un Mentonasque et deux Turbiasques
Nous regardons avec effroi les poulpes des profondeurs
Et parmi les algues nagent les poissons images du Sauveur

Tu es dans le jardin d'une auberge aux environs de Prague
Tu te sens tout heureux une rose est sur la table
Et tu observes au lieu d'écrire ton conte en prose
La cétoine qui dort dans le coeur de la rose


Épouvanté tu te vois dessiné dans les agates de Saint-Vit
Tu étais triste à mourir le jour où tu t'y vis
Tu ressembles au Lazare affolé par le jour
Les aiguilles de l'horloge du quartier juif vont à rebours
Et tu recules aussi dans ta vie lentement
En montant au Hradchin et le soir en écoutant
Dans les tavernes chanter des chansons tchèques

Te voici à Marseille au milieu des pastèques

Te voici à Coblence à l'hôtel du Géant

Te voici à Rome assis sous un néflier du Japon

Te voici à Amsterdam avec une jeune fille que tu trouves belle et qui est laide
Elle doit se marier avec un étudiant de Leyde
On y loue des chambres en latin Cubicula locanda
Je me souviens j'y ai passé trois jours et autant à Gouda

Tu es à Paris chez le juge d'instruction
Comme un criminel on te met en état d'arrestation

Tu as fait de douloureux et de joyeux voyages
Avant de t'apercevoir du mensonge et de l'âge
Tu as souffert de l'amour à vingt et à trente ans
J'ai vécu comme un fou et j'ai perdu mon temps
Tu n'oses plus regarder tes mains et à tous moments je voudrais sangloter
Sur toi sur celle que j'aime sur tout ce qui t'a épouvanté

Tu regardes les yeux pleins de larmes ces pauvres émigrants
Ils croient en Dieu ils prient les femmes allaitent les enfants
Ils emplissent de leur odeur le hall de la gare Saint-Lazare
Ils ont foi dans leur étoile comme les rois-mages
Ils espèrent gagner de l'argent dans l'Argentine
Et revenir dans leur pays après avoir fait fortune
Une famille transporte un édredon rouge comme vous transportez votre coeur
Cet édredon et nos rêves sont aussi irréels
Quelques-uns de ces émigrants restent ici et se logent
Rue des Rosiers ou rue des Écouffes dans des bouges
Je les ai vu souvent le soir ils prennent l'air dans la rue
Et se déplacent rarement comme les pièces aux échecs
Il y a surtout des juifs leurs femmes portent perruque
Elles restent assises exsangues au fond des boutiques

Tu es debout devant le zinc d'un bar crapuleux
Tu prends un café à deux sous parmi les malheureux

Tu es la nuit dans un grand restaurant

Ces femmes ne sont pas méchantes elles ont des soucis cependant
Toutes même la plus laide a fait souffrir son amant
Elle est la fille d'un sergent de ville de Jersey

Ses mains que je n'avais pas vues sont dures et gercées

J'ai une pitié immense pour les coutures de son ventre

J'humilie maintenant à une pauvre fille au rire horrible ma bouche

Tu es seul le matin va venir
Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues

La nuit s'éloigne ainsi qu'une belle Métive
C'est Ferdine la fausse ou Léa l'attentive

Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie
Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie

Tu marches vers Auteuil tu veux aller chez toi à pied
Dormir parmi tes fétiches d'Océanie et de Guinée
Ils sont des Christ d'une autre forme et d'une autre croyance
Ce sont les Christ inférieurs des obscures espérances

Adieu Adieu

Soleil cou coupé





Marc Chagall: Paris par la fenêtre







Guillaume Apollinaire


Zone

(English)


After all you are weary of this oldtime world


Shepherdess O Eiffel Tower your flock of bridges is bleating this morning

You have had enough of this living in a Greek and Roman antiquity

Here even the automobiles contrive an ancient aspect
Only religion is still new only religion
Has stayed simple like the Airport hangars

In all Europe you alone are not antique O Christianity
The most up-to-date European is you Pope Pius X
And you whom the windows stare at shame keeps you back
From going into some church and confessing your sins this morning
You read the prospectuses the catalogues the public notices that sing out
Here's the morning's poetry and for prose we have newspapers
We've two-bit volumes full of crime adventure
Portraits of the great and a thousand miscellaneous items

This morning I saw a neat street I've forgotten its name
All new and clean a bugle in the sun
Bosses workmen and pretty stenographers
From Monday morning to Saturday night pass along it four times a day
Three times each morning the siren moans there
A furious whistle bays along about noon
The slogans the signboards the walls
The plaques the parroty notices nagging
I like the charm of this industrial street
Located in Paris between the Rue Aumont-ThievilIe and the Avenue des Ternes
Here's your young street and you're only a little child still
Your mother dresses you only in white and blue
You're a religious boy and along with your oldest pal Rene Dalize
You like nothing better than Church ceremonies
It's nine o'clock the gas is all bluey turned down you sneak out of the dorm
You pray all night long in the school chapel
While the eternal adorable depth of amethyst
Revolves forever the flamboyant glory of Christ
This is the fair lily that all of us tend
The torch with red hair unquenched by the wind
The pale flushed son of the mother grieving
The tree leafy-thick all over with prayers
The double potency of honor and forever
The six-branched star
God who dies Friday and rises on Sunday
Christ who climbs the sky better than any aviator
He holds the world record for altitude

Pupil Christ of the eye
Twentieth pupil of the centuries he knows his job
And changes into a bird this century goes up into the air like Jesus
The devils in their abysses lift up their heads to watch
They call it an imitation of Simon Magus in Judaea
They exclaim if this is flying let's call him fly-by-night
The angels flash around the pretty tightroper
Icarus Enoch Elijah Apollonius of Tyana
Bob about this first airplane
From time to time they step aside for persons transported by the Sacrament
Those priests ascending eternally at the Elevation of the Host
The plane lands at last with wings outspread
Then the skies are jammed with swallows by the millions
On swooping wings the ravens come the falcons the owls
Ibises from Africa and flamingos and marabouts
The Roc bird celebrated by storytellers and poets
Glides with the skull of Adam the first head in its claws
The eagle plummets from the horizon with a great cry
And from America comes the small colibri
From China the supple long pihis
Who have only one wing and who fly in pairs
And here is the dove immaculate spirit
Escorted by the lyre-bird and the eyey peacock
The phoenix that self-engendering stake
Hides everything for a moment with his burning ashes
The sirens abandon their perilous straits
Arrive all three of them singing at the top of their voices
Eagle phoenix Chinese pihis all combine
To fraternize with the flying machine

You are walking in Paris now all alone in a crowd
Herds of mooing busses pass by as you go
Love's anguish grabs you by the gullet
As if you'd never be loved again
If you lived in the old days you'd enter a monastery
You're ashamed of yourself when you catch yourself praying
You sneer at yourself friend your laugh snaps like hell-fire
The sparks of that laugh gild your life's cash reserves
It's a picture hung up in a dusky museum
And every once in a while you get up close to examine it

Today you're taking a walk in Paris the women are bloodied
This was and I did not want to remember it this was in the ebb of beauty

Immured in her ancient flames Notre-Dame has seen me at Chartres
The blood of your Sacre-Creur has engulfed me at Montmartre
I am sick of listening to blessed discourse
The love that I suffer is a shameful disease
And the image that owns you keeps you alive in sleeplessness and in agony
It is always near you that transient image

Now you are by the Mediterranean
Under the lemon trees flowering all year long
You go for a sail with some friends of yours
One's from Nice one's from Menton there are two from Turbes
We are alarmed by the sight of the cuttlefish far down
And through the seaweed fish swim in the Savior's image

You are in a tavern garden somewhere outside Prague
You are so happy there's a rose on the table
And instead of composing your prose fable
You note the worm asleep in the heart of the rose

In terror you see yourself limned in the agates of Saint Vit
You were deathly sorry the day you saw yourself there
You look like Lazarus struck silly by the daylight
The hands on the ghetto clock move backwards
You too reverse slowly into your life
And going up to Hradchin hearing at nightfall
The tavern songs of the singing Czechs
You're back at Marseille along the watermelons
Back in Coblenz at the Hotel du Géant
You're in Rome sitting under a Japanese medlar

You're in Amsterdam with a girl you think's pretty but she's a fright
She's going to marry a Leyden undergraduate
They rent rooms in Latin there Cubicula locanda
I remember it well I spent three days there and also at Gouda

You're in Paris before the examining magistrate
Like a common criminal you are placed in custody

You have made your happy and dolorous journeys
Before taking account of falsehood and age
At twenty and thirty you have suffered from love
I have lived like a madman and I've lost my time
You no longer dare look at your hands and all the time I could burst out sobbing
Because of you because of her I love because of everything that has frightened you

Eyes full of tears you watch these poor emigrants
They trust in God they pray the women suckle their babies
Their odor fills the concourse of the Saint-Lazare Station
They believe in their star like the Three Wise Men
They look forward to getting rich in the Argentine
And coming back home after their fortune's made
One family transports its red eiderdown just as you transport your heart
That quilt and our dreams are equally unreal
Certain of these emigrants stay here and take lodgings
In the Rue des Rosiers or the Rue des Ecouffes in fiopperies
I've often seen them taking the air evenings in the street
They are like chessmen they seldom leave their squares
There are Jews above all their women wear wigs
Drained of blood they sit far back in their shops

You stand before the counter in a rotgut bar
With a five-cent coffee among the down-and-out

You are night in a fine restaurant

These women are not evil they have their troubles nevertheless
All of them have made some lover unhappy even the ugliest
She's the daughter of a Jersey policeman

Her hands I had not seen them are hard and chapped
I've an enormous pity for the stitched scars on her belly

To a poor girl with a horrible laugh I humble my mouth now

You are alone morning is coming
The milkmen are clanking their tin cans in the streets

Night takes flight like a fair Medive
It's a faithless Ferdine or a faithful Leah

You drink an alcohol that bums like your life
Your life that you drink down like brandy
You walk toward Auteuil and you would go home on foot
To sleep among your fetishes from Oceania and Guinea
They are Christs in another form Christs of another faith
They are the lesser Christs of obscure yearnings

Good-bye Good-bye

Sun cut throat






Marc Chagall: Paris Through The Window








Guillaume Apollinaire

Translated by Dudley Fitts


lunes, mayo 07, 2018

Canto Arena


Hoy continué tomando rumbo a mi región
tomando señas, descifrando encrucijadas.
Mi cuerpo sigue practicando su cuestión:
cruje mi hueso y se hace la palabra.

Hoy continué domesticando la razón
llena de asombro ante el día sucedido.
Proyecto un rápido boceto de la acción,
trazo versiones que capturo del olvido.

Por eso canto arena,
roca que luego es multitud del agua buena.
Y canto espuma,
cresta que cuando logra ser ya no es ninguna.

He puesto filo al anhelante corazón,
arrojo estrellas a mellarse contra vientos.
El sueño ha desencadenado la canción
y la canción de hoy me sabe a juramento.

La prisa lleva maravilla y lleva error,
pero viajamos sobre rueda encabritada.
He despertado en el ojo del ciclón,
cuento millones de agujeros en el alma.

Hoy continué tomando rumbo a mi región,
con dulce látigo de abeja en la conciencia.
Hoy me perdí amar con planificación,
pero gané a lo que partió con la prudencia.

Hoy continué dándole cuerda a mi reloj
con timbre atado sobre número invisible.
Poco me importa donde rompa mi estación,
si cuando rompe está rompiendo lo imposible.









Silvio Rodríguez


miércoles, mayo 02, 2018

De Ejercicios Respiratorios


XII


Que mi salud es débil,
Que no resisto los rigores del trabajo intelectual,
Que mi pensamiento es inestable y que a menudo me
equivoco en mis apreciaciones sobre la verdad de las
ciencias y las magias del arte,
Que soy descuidado para con mi persona,
Que no me baño con regularidad
Y que mis cabellos y mis uñas crecen sin control,
Que he derrochado mi hacienda en beneficio de los pobres
de espíritu,
Que he favorecido más de lo justo y necesario a los
enfermos,
Que he permanecido largas horas en los cementerios
Disfrutando paganamente de la soledad y del silencio
consagrado a los muertos,
Que en momentos de desesperación y orgullo he escupido
el rostro de los ídolos,
Que he vuelto ebrio al templo y caído dormido en los
bancos de las plazas y en los tranvías,
Y que gasté mi juventud en viajes inútiles y estudios
innecesarios.










Nicanor Parra


lunes, abril 30, 2018

Imagen De Mi Padre


Yo tenía un fiel amigo
de lento mirar cansado
triste como un jardinero
y puro como un relámpago.

Tenía las manos suaves
como el corazón de un pájaro
al andar casi danzaba
y hablaba casi cantando.

Como ríos paralelos
vagábamos por los campos
yo lo confundía a veces
con la sombra de algún árbol.

El cielo que lo cubría
no podía ser más alto
y el nardo azul de su alma
no podía ser más nardo.

Si hubiera sido de agua
¡qué compañero tan claro!
serenos como sus ojos
nunca se verán dos lagos.

Amigo dulce dormido
que nunca será olvidado
ni en el día en que se cierren
para mí todos los astros.







Nicanor Parra


viernes, abril 27, 2018

Pequeñata Serenata Diurna


Vivo en un país libre
cual solamente puede ser libre
en esta tierra, en este instante
y soy feliz porque soy gigante.
Amo a una mujer clara
que amo y me ama
sin pedir nada
—o casi nada,
que no es lo mismo
pero es igual—.

Y si esto fuera poco,
tengo mis cantos
que poco a poco
muelo y rehago
habitando el tiempo,
como le cuadra
a un hombre despierto.
Soy feliz,
soy un hombre feliz,
y quiero que me perdonen
por este día
los muertos de mi felicidad.



 Kelley MacDonald: Oh, Happy Day!




Silvio Rodríguez


L'amour montait entre nous...


L'amour montait entre nous
comme la lune entre les deux palmiers
qui ne se sont jamais enlacés.

L'intime murmure des deux corps
vers la rumeur ramena une houle,
mais la voix raque fut torturée,
furent pétrifiées les lèvres.

La soif d'étreindre remua la chair,
élucida les os enflammés,
mais les bras en voulant se tendre
moururent dans les bras.

L'amour passa, la lune aussi, entre nous
et dévora les corps solitaires.
Et nous sommes deux fantômes qui se cherchent
et se retrouvent au loin.






Camille-Félix Bellanger: Daphnis and Chloe




Miguel Hernández

Traduction de Sara Solivella Et Philippe Leignel

jueves, abril 26, 2018

Mon Sang Est Un Chemin


Il me pousse à coups de marteau et à coups de dents,

me retire avec des mugissements et des cordes
du cœur, du fond, des origines,
me cloue dans la gorge de doux crochets,
oursin entre mes doigts et mes yeux,
affole mes ongles et mes paupières,
entoure mes paroles et mon alcôve
de fours et de forges,
il altère la direction de ma langue,
et en semant de cire son chemin
fait qu'elle tombe gauche et fendue.

Femme, regarde un sang,
regarde une blouse de safran en rut,
regarde une cape liquide ceignant mes os
comme d'énormes serpents qui m'oppressent,
transportant l'angoisse à travers mes veines.

Regarde une fontaine dressée d'amoureux colliers
et de sonnailles à la voix orgueilleuse
tremblant d'impatience pour envahir ton cou,
un jugement féroce, une sentence,
une exigence, une douleur, une rivière
qui, pour se manifester se heurte aux pierres,
et ils pendent pour toujours à mes
reliquaires à la chair écorchée.

Regarde-le avec ses chevreaux et ses taureaux 
suicidaires
cornant les sonnaillers et les montagnes,
se rompant les cornes à grands coups,
se mordant les oreilles de rage,
cherchant de plein gré la mort du front à la queue.

Manipulant et exposant mon sang
à des révolutions de charbon et de boue
agglomérées jusqu'à devenir coeur,
outils de mort, foudres, haches,
et précipices d'écume sans appui,
je ne demande qu'un corps à souiller.

Charge-toi, charge-toi une

d'un troupeau de scorpions
jalousement amoureux,
d'un châtiment infini qui m'accoucha et m'angoisse,
comme un salaire journalier payé en triste plomb.

La porte de mon sang se situe au coin

de la hache et de la pierre,
mais en toi se trouve l'entrée irrémédiable.

J'ai besoin de répandre ce règne impérieux,

prolonger mes pères jusqu'à l'éternité,
et je tends vers toi un pont aux arches de coeurs
qui déjà se sont corrompus et qui battent encore.

Ne me mets pas d'obstacles, parce que je dois sauver,

ne me sème pas de prisons,
les serrures ni les ciments ne suffisent,
non, à enchaîner mon sang fait de goudron enflammé
capable de réveiller la fièvre dans la neige.

Ah, comme j'ai envie de t'aimer contre un arbre!

Ah, quel désir de te battre comme le blé dans son aire!
Ah, quelle douleur de te voir de dos
et de ne pas voir ton dos au dos du monde!

Mon sang est un chemin devant le crépuscule

de boue passionnée et de flaques vaporeuses
qui doit finir dans tes entrailles,
un dépôt magique d'anneaux
qui s'ajuste à ton sang
un semis de lunes éclipsées
qui doivent faire grossir leurs calebasses du dedans,
noyées dans un vin vieux blanchi sur les lèvres,
au pied de ta taille enfin sonore.

Garde-moi de ses ombres qui croassent leur fatalité

tournant autour de moi à coups de bec,
tournesols de corbeaux orageux.
Ne me permets pas d'aller de sang en sang

comme une balle perdue,
ne me laisse pas tonner seul et tendu.

Poudre vénéneuse répandue,

ornée par les yeux de tristes pyrotechnies,
nid d'abeilles horriblement criblé
avec un tout petit rayon souffrant dans chaque pore,
meute phosphorescente de tarentules qui guettent,
ne me permets pas de l'être. Veille, veille
mon sourire désespéré,
où je mords le fiel par ses racines,
parcouru par les pluvieuses peines.
Reçois ce destin assoiffée de ta bouche
que j'ai hérité pour toi d'un si grand père.










Miguel Hernández

Traduction de Sara Solivella Et Philippe Leignel



miércoles, abril 25, 2018

Mi Sangre Es Un Camino


Me empuja a martillazos y a mordiscos,
me tira con bramidos y cordeles
del corazón, del pie, de los orígenes,
me clava en la garganta garfios dulces,
erizo entre mis dedos y mis ojos,
enloquece mis uñas y mis párpados,
rodea mis palabras y mi alcoba
de hornos y herrerías,
la dirección altera de mi lengua,
y sembrando de cera su camino
hace que caiga torpe y derretida.

Mujer, mira una sangre,
mira una blusa de azafrán en celo,
mira un capote líquido ciñéndose en mis huesos
como descomunales serpientes que me oprimen
acarreando angustia por mis venas.

Mira una fuente alzada de amorosos collares
y cencerros de voz atribulada
temblando de impaciencia por ocupar tu cuello,
un dictamen feroz, una sentencia,
una exigencia, una dolencia, un río
que por manifestarse se da contra las piedras,
y penden para siempre de mis
relicarios de carne desgarrada.

Mírala con sus chivos y sus toros suicidas
corneando cabestros y montañas,
rompiéndose los cuernos a topazos,
mordiéndose de rabia las orejas,
buscándose la muerte de la frente a la cola.

Manejando mi sangre, enarbolando
revoluciones de carbón y yodo,
agrupando hasta hacerse corazón,
herramientas de muerte, rayos, hachas,
y barrancos de espuma sin apoyo,
ando pidiendo un cuerpo que manchar.

Hazte cargo, hazte cargo
de una ganadería de alacranes
tan rencorosamente enamorados,
de un castigo infinito que me parió y me agobia
como un jornal cobrado en triste plomo.

La puerta de mi sangre está en la esquina
del hacha y de la piedra,
pero en ti está la entrada irremediable.

Necesito extender este imperioso reino,
prolongar a mis padres hasta la eternidad,
y tiendo hacia ti un puente de arqueados corazones
que ya se corrompieron y que aún laten.

No me pongas obstáculos que tengo que salvar,
no me siembres de cárceles,
no bastan cerraduras ni cementos,
no, a encadenar mi sangre de alquitrán inflamado
capaz de despertar calentura en la nieve.

¡Ay qué ganas de amarte contra un árbol,
ay qué afán de trillarte en una era,
ay qué dolor de verte por la espalda
y no verte la espalda contra el mundo!

Mi sangre es un camino ante el crepúsculo
de apasionado barro y charcos vaporosos
que tiene que acabar en tus entrañas,
un depósito mágico de anillos
que ajustar a tu sangre,
un sembrado de lunas eclipsadas
que han de aumentar sus calabazas íntimas,
ahogadas en un vino con canas en los labios,
al pie de tu cintura al fin sonora.

Guárdame de sus sombras que graznan fatalmente
girando en torno mío a picotazos,
girasoles de cuervos borrascosos.
No me consientas ir de sangre en sangre
como una bala loca,
no me dejes tronar solo y tendido.

Pólvora venenosa propagada,
ornado por los ojos de tristes pirotecnias,
panal horriblemente acribillado
con un mínimo rayo doliendo en cada poro,
gremio fosforescente de acechantes tarántulas
no me consientas ser. Atiende, atiende
a mi desesperado sonreír,
donde muerdo la hiel por sus raíces
por las lluviosas penas recorrido.
Recibe esta fortuna sedienta de tu boca
que para ti heredé de tanto padre.












Miguel Hernández

Amor Eterno


Deja caer las rosas y los días
una vez más, segura de mi huerto.
Aún hay rosas en él, y ellas, por cierto,
mejor perfuman cuando son tardías.

Al deshojarse en tus melancolías,
cuando parezca más desnudo y yerto,
ha de guardarte bajo su oro muerto
violetas más nobles y sombrías.

No temas al otoño, si ha venido.
Aunque caiga la flor, queda la rama.
La rama queda para hacer el nido.

Y como ahora al florecer se inflama,
leño seco, a tus plantas encendido,
ardientes rosas te echará en la llama.



Gabriela Lavezzari: Amores de fuego





Leopoldo Lugones


martes, abril 24, 2018

Fui Concebido Erguido Y Solo



Fui concebido erguido y solo,
Y dentro de mí llevo el hueso;
Más aún, mi visión devendrá clara
Más aún, mi vida no tornará en gris
Del centro todo es cercano.
Donde tomo asiento está mi trono
Si la vejez elige no venir
Si la vejez decide darme la partida,
que tome la esencia y deje el corazón.











Henry David Thoreau

Versión al español de Mauricio Alejandro Moreno


I Was Made Erect and Lone


I was made erect and lone,
And within me is the bone;
Still my vision will be clear,
Still my life will not be drear,
To the center all is near.
Where I sit there is my throne.
If age choose to sit apart,
If age choose, give me the start,
Take the sap and leave the heart.








Henry David Thoreau