domingo, noviembre 11, 2018

Vol


Seul celui qui aime vole. Mais qui aime au point
d'être comme l'oiseau le plus léger et le plus fugitif ?
S'enfonçant va cette haine qui règne sur tout ce qui

voudrait remonter par lui-même directement en vie.

Aimer... Mais qui aime ? Voler... Mais qui vole ?
Je conquerrai le bleu avide de plumage,
mais l'amour, toujours en bas, se désole
de ne pas trouver le ailes qu'un certain courage donne.

Un être ardent, clair en désirs, ailé,
voulut monter, avoir la liberté pour nid.
Il voulut oublier que l'homme s'en éloigne enchaîné.
Où il manquait des plumes, il mit courage et oubli.

Il allait si haut parfois, que resplendissaient
sur sa peau le ciel, sous sa peau l'oiseau.
Être qui te confondis un jour avec une alouette,
tu t'abattis un autre jour comme la grave grêle.

Tu sais déjà que les vies des autres sont des dalles
avec lesquelles t'emmurer : des prisons avec lesquelles avaler la tienne.
Passe, vie, entre les corps, entre les superbes grilles.
À travers les grilles, que le sang libre afflue.

Triste instrument joyeux de se vêtir ;
tuyau qui nos force à convoiter et à respirer le feu.
Épée dévorée par un usage constant.
Corps dans l'horizon fermé duquel je me déploie.

Tu ne voleras pas. Tu ne peux pas voler, corps qui erres
à travers ces galeries où l'air est mon nœud.
Plus tu te débats pour monter, plus tu fais naufrage.
Tu ne hurleras pas. Le champ continue désert et muet.

Les bras ne battent pas des ailes. Ils sont à peine une queue
que le cœur voudrait lancer au firmament.
Le sang s'attriste à force de se débattre seul.
Les yeux deviennent tristes à force de méconnaître.

Chaque ville, endormie, se réveille folle, exhale
un silence de prison, de songe qui brûle et pleut
comme un élytre enroué de ne pas pouvoir être aile.
L'homme gît. Le ciel s'élève. L'air bouge.















Miguel Hernández

Traduction de Sara Solivella et Philippe Leigne


No hay comentarios.: