lunes, febrero 05, 2018

In Memoriam


Today is Sunday.
I fear the crowd of my fellows with such faces of stone.
From my glass tower filled with headaches and impatient Ancestors,
I contemplate the roofs and hilltops in the mist.
In the stillness—somber, naked chimneys.
Below them my dead are asleep and my dreams turn to ashes.
All my dreams, blood running freely down the streets
And mixing with blood from the butcher shops.
From this observatory like the outskirts of town
I contemplate my dreams lost along the streets,
Crouched at the foot of the hills like the guides of my race
On the rivers of the Gambia and the Saloum
And now on the Seine at the foot of these hills.
Let me remember my dead!
Yesterday was All Saints’ Day, the solemn anniversary of the Sun,
And I had no dead to honor in any cemetery.
O Forefathers! You who have always refused to die,
Who knew how to resist Death from the Sine to the Seine,
And now in the fragile veins of my indomitable blood,
Guard my dreams as you did your thin-legged migrant sons!
O Ancestors! Defend the roofs of Paris in this dominical fog,
The roofs that protect my dead.
Let me leave this tower so dangerously secure
And descend to the streets, joining my brothers
Who have blue eyes and hard hands.








Léopold Sédar Senghor

Translated by Melvin Dixon



In Memoriam


C'est
Dimanche.

J'ai peur de la foule de mes semblables au visage de pierre.
De ma tour de verre qu'habitent les migraines, les
Ancêtres impatients

Je contemple toits et collines dans la brume
Dans la paix — les cheminées sont graves et nues.
A leurs pieds dorment mes morts, tous mes rêves faits poussière

Tous mes rêves, le sang gratuit répandu le long des rues,

mêlé au sang des boucheries.
Et maintenant, de cet observatoire comme de banlieue
Je contemple mes rêves distraits le long des rues, couchés

au pied des collines
Comme les conducteurs de ma race sur les rives de la

Gambie et du
Saloum
De la
Seine maintenant, au pied des collines.
Laissez-moi penser à mes morts !

C'était hier la
Toussaint, l'anniversaire solennel du
Soleil
Et nul souvenir dans aucun cimetière.

Ô
Morts, qui avez toujours refusé de mourir, qui avez su résister à la
Mort

Jusqu'en
Sine jusqu'en
Seine, et dans mes veines fragiles.

mon sang irréductible
Protégez mes rêves comme vous avez fait vos fils, les

migrateurs aux jambes minces.

I.
Ancien royaume du
Sénégal.



ô
Morts ! défendez les toits de
Paris dans la brume dominicale

Les toits qui protègent mes morts.

Que de ma tour dangereusement sûre, je descende dans la rue

Avec mes frères aux yeux bleus

Aux mains dures.








Léopold Sédar Senghor


domingo, febrero 04, 2018

Prière À L'Inconnu


Voilà que je me surprends à t'adresser la parole,
Mon Dieu, moi qui ne sais encore si tu existes
Et ne comprends pas la langue de tes églises chuchotantes.
Je regarde les autels, la voûte de ta maison,
Comme qui dit simplement: voilà du bois, de la pierre,
Voilà des colonnes romanes.

Il manque le nez à ce saint.
Et au-dedans comme au-dehors, il y a la détresse humaine.
Je baisse les yeux sans pouvoir m'agenouiller pendant la messe,
Comme si je laissais passer l'orage au-dessus de ma tête.
Et je ne puis m'empêcher de penser à autre chose.
Hélas! j'aurai passé ma vie à penser à autre chose.
Cette autre chose, c'est encore moi.
C'est peut-être mon vrai moi-même.
C'est là que je me réfugie.
C'est peut-être là que tu es.
Je n'aurai jamais vécu que dans ces lointains attirants.
Le moment présent est un cadeau dont je n'ai pas su profiter.
Je n'en connais pas bien l'usage.
Je le tourne dans tous les sens,
Sans savoir faire marcher sa mécanique difficile.
Mon Dieu, je ne crois pas en toi, je voudrais te parler tout de même.
J'ai bien parlé aux étoiles, bien que je les sache sans vie,
Aux plus humbles des animaux, quand je les savais sans réponse,
Aux arbres qui, sans le vent, seraient muets comme la tombe.
Je me suis parlé à moi-même, quand je ne sais pas bien si j'existe.
Je ne sais si tu entends nos prières, à nous les hommes,
Je ne sais si tu as envie de les écouter.
Si tu as, comme nous, un coeur qui est toujours sur le qui-vive
Et des oreilles ouvertes aux nouvelles les plus différentes
Je ne sais pas si tu aimes à regarder par ici.
Pourtant je voudrais te remettre en mémoire la planète terre
Avec ses fleurs, ses cailloux, ses jardins et ses maisons
Avec tous les autres et nous qui savons bien que nous souffrons.
Je veux t'adresser sans tarder ces humbles paroles humaines
Parce qu'il faut que chacun tente à présent tout l'impossible.
Même si tu n'es qu'un souffle d'il y a des milliers d'années
Une grande vitesse acquise
Une durable mélancolie
Qui ferait tourner encore les sphères dans leur mélodie
Je voudrais, mon Dieu sans visage et peut-être sans espérance
Attirer ton attention parmi tant de ciels vagabonde
Sur les hommes qui n'ont pas de repos sur la planète.
Ecoute-moi ! Cela presse. Ils vont tous se décourager
Et l'on ne va plus reconnaître les jeunes parmi les âgés
Chaque matin, ils se demandent si la tuerie va commencer.
De tous côtés, l'on prépare de bizarres distributeurs de sang de plaintes et de larmes
L'on se demande si les blés ne cachent pas déjà des fusils.
Le temps serait-il passé où tu t'occupais des hommes?
T'appelle-t-on dans d'autres mondes, médecin en consultation,
Ne sachant où donner de la tête
Laissant mourir sa clientèle?
Ecoute-moi! Je ne suis qu'un homme parmi tant d'autres.
L'âme se plait dans notre corps,
Ne demande pas à s'enfuir dans un éclatement de bombe.
Elle est pour nous une caresse, une secrète flatterie.
Laisse-nous respirer encore sans songer aux nouveaux poisons
Laisse-nous regarder nos enfants sans penser tout le temps à la mort.
Nous n'avons pas du tout le coeur aux batailles, aux généraux.
Laisse-nous notre va-et-vient, comme un troupeau dans ses sonnailles,
Une odeur de lait frais se mélant à l'odeur de l'herbe grasse.
Ah! si tu existes, mon Dieu, regarde de notre côté.
Viens te délasser parmi nous.
La terre est belle, avec ses arbres, ses fleuves et ses étangs,
Si belle, que l'on dirait que tu la regrettes un peu
Mon Dieu, ne va pas faire la sourde oreille
Et ne va pas m'en vouloir si nous sommes à tu et à toi
Si je te parle avec tant d'abrupte simplicité.
Je croirais moins qu'en tout autre en un Dieu qui terrorise.
Plus que par la foudre, tu sais t'exprimer par les brins d'herbe
Et par les jeux des enfants et par les yeux des ruisseaux.
Ce qui n'empêche pas les mers et les chaînes de montagnes.
Tu ne peux pas m'en vouloir de dire ce que je pense
De réfléchir comme je peux sur l'homme et sur son existence
Avec la franchise de la terre et des diverses saisons
Et peut-être de toi-même dont j'ignorerais les leçons
Je ne suis pas sans excuses
Veuille accepter mes pauvres ruses
Tant de choses se préparent sournoisement contre nous
Quoi que nous fassions, nous craignons d'être pris au dépourvu
Et d'être comme le taureau
Qui ne comprend pas ce qui se passe
Le mène-t-on à l'abattoir
Il ne sait où il va comme ça
Et juste avant de recevoir le coup de mort sur le front
Il se répète qu'il a faim et brouterait résolument
Mais qu'est-ce qu'ils ont ce matin avec leurs tabliers pleins de sang
A vouloir tous s'occuper de lui?







Jules Supervielle



Plegaria Al Desconocido


He aquí que me sorprendo hablándote, Dios mío,
yo, que no sé todavía si existes
ni comprendo la lengua de tus iglesias susurrantes.
Miro los altares, la bóveda de tu casa
como quien dice simplemente: “Esto es madera, esto es piedra,
aquéllas son columnas románticas, le falta la nariz a ese santo,
y adentro como afuera hay un mismo desamparo entre los hombres.
”Bajo los ojos sin poder arrodillarme durante la misa
como si dejara pasar una tormenta sobre mi cabeza
y no puedo evitar el pensar siempre en otra cosa.
Me pasaré la vida pensando en otra cosa,
y esa otra cosa soy yo, tal vez mi yo verdadero:
es allí donde me refugio, y tal vez sea allí donde tú estás,
creo que nunca podré vivir sino en esas lejanías que me seducen.
El momento presente es un regalo que no he sabido aprovechar,
no sé bien cómo se usa, lo volteo para un lado y para el otro
y no logro que funcione su difícil mecanismo.
No creo en ti, Dios mío, pero quisiera hablarte a pesar de todo;
he hablado con las estrellas aunque las sepa sin vida,
con los más humildes de los animales aunque los sepa sin respuesta,
con los árboles que, sin el viento, serían mudos como la tumba.
Y me he hablado a mí mismo aunque no estoy seguro del todo de que existo.
No se si oyes nuestras plegarias, las plegarias de los hombres,
no sé si tienes ganas de escucharlas,
no sé si tienes como nosotros un corazón en alerta continua
y oídos siempre abiertos a las noticias más diversas.
No sé si te gusta mirar por aquí.
Pero querría recordarte a tu planeta la Tierra,
con sus flores, sus guijarros, sus jardines y sus casas.
Con todos sus seres; con nosotros que sufrimos y lo sabemos.
Querría dirigirte cuanto antes estas humildes palabras humanas
porque cada cual debe intentar ahora lo imposible
aun si no eres más que un soplo de hace millares de años,
una gran velocidad adquirida, una melancolía durable
que hace aún girar a las esferas en su melodía.
Querría, Dios sin rostro y tal vez sin esperanza,
que prestaras toda tu atención, entre tantos cielos vagabunda,
a los hombres que nunca pueden darse un respiro en el planeta.
Escúchame, corre prisa: todos van a desalentarse
y ya no podremos distinguir a los jóvenes de los viejos.
Cada mañana se preguntan si la matanza va a comenzar.
Por todas partes se preparan extraños distribuidores
de sangre, de quejidos y de lágrimas.
Se preguntan si los trigos no esconden ya fusiles.
¿Se acabó el tiempo en que podías ocuparte de los hombres?
¿Te llaman de otros mundos, médico de consulta
que sin saber por dónde empezar deja morir a su clientela?
Escúchame, no soy más que un hombre entre tantos otros:
el alma está a gusto en el cuerpo, el alma no quiere escapar
en un estallido de bomba;
el alma es para nosotros una caricia, un secreto halago.
Déjanos respirar sin pensar en nuevos venenos,
déjanos mirar a nuestros niños sin pensar todo el tiempo en la muerte.
No estamos para batallas, para generales.
Déjanos nuestro ir y venir de rebaño entre cencerros
y olor a leche que se mezcla al olor de la hierba espesa.
Ah, si existes, mi Dios, mira de nuestro lado,
ven y descansa un rato entre nosotros, la Tierra es hermosa con sus árboles,
sus ríos y sus estanques, tan hermosa que uno diría
que la añoras un poco.
No te vayas a hacerte sordo una vez más
ni a sentirte conmigo, Dios, si te tuteo,
si te hablo con tan abrupta simplicidad:
creería menos que en cualquier otro en un Dios que aterrorizara;
y tú, más que por el rayo, sabes expresarte por las briznas de hierba
y los ojos del agua y los juegos de los niños,
lo cual no impide que haya océanos y cadenas de montañas.
No puedes ofenderte porque te digo lo que pienso,
porque reflexiono como puedo sobre el hombre y su existencia
con la franqueza de la tierra y de las diversas estaciones
y tal vez con tu franqueza cuyas lecciones ignoro.
No me faltan disculpas, consiente en aceptar mis pobres sutilezas,
tantas cosas se preparan solapadamente contra nosotros
que, por mucho que hagamos, tememos siempre que nos sorprendan desprevenidos,
tenemos ser como el toro que no comprende qué sucede:
lo llevan al matadero, no sabe adónde va,
y justo antes de recibir el golpe mortal sobre la frente
se repite que tiene hambre, y pastaría de buena gana,
¿pero qué pasa con esa gente de delantales llenos de sangre
para que así se empeñen todos en atenderlo esta mañana?




Jules Supervielle





Nieve Sobre París


Señor, tú que has visitado París, en este día de tu nacimiento 
porque se había vuelto avaro y malo
lo has purificado con el frío incorruptible
con la blanca muerte.
Esta mañana, hasta las chimeneas
de las fábricas cantan al unísono.
Arbolando banderas blancas
"Paz a los hombres de buena voluntad"
Señor, tú has propuesto la nieve de tu Paz al mundo dividido
A la europa dividida
A la España rasgada
Y el rebelde judío y católico ha disparado
sus mil cuatro cientos cañones contra las montañas de tu Paz.
Señor yo he aceptado tu frío blanco que quema más que la sal.
Y mi corazón se funde como nieve bajo el sol.
Olvido
las manos blancas que disparan tiros de fusil que destruyen imperios
las manos que flagelan esclavos, que te flagelan
las manos blancas polvorientas que te abofetean
las manos pintadas polvorientas blancas que me han abofeteado.
Las manos seguras que me han empujado
a la soledad. Al odio.
Las manos blancas que abatieron la selva
de roneros que dominaban africa, en el centro de Africa
Derechos y duros. Los Saras hermosos como los primeros hombres que surgieron de tus manos morenas.
Ellas abatieron la selva negra para hacer traversas de raíles de tren.
Ellas abatieron las selvas de Africa para salvar la civilización, porque hacía falta materia prima humana.

Señor, yo no saldré de mi reserva de odio, lo sé, ante los diplomáticos que muestran sus largos colmillos.
Y que mañana trocarán la carne negra.
Mi corazón, Señor, se ha fundido como la nieve sobre los tejados de París.
Al sol de tu dulzura.

Dulce para mis enemigos, para mis hermanos de manos blancas sin nieve
A causa también de manos de palizas, al atardecer, a lo largo de mis mejillas ardientes.






Léopold Sédar Senghor

Versión de Tierno Bokar



Neige Sur Paris


Seigneur, vous avez visité Paris par ce jour de votre naissance 

Parce qu'il devenait mesquin et mauvais
Vous l'avez purifié par le froid incorruptible 
Par la mort blanche.
Ce matin, jusqu'aux cheminées d'usines qui chantent à l'unisson 
Arborant des draps blancs
- « Paix aux Hommes de bonne volonté! »
Seigneur, vous avez proposé la neige de votre paix au monde divisé, à l'Europe divisée
A l'Espagne déchirée et le Rebelle juif et catholique a tiré ses mille quatre cents canons contre les montagnes de votre Paix.
Seigneur, j'ai accepté votre froid blanc qui brûle plus que le sel. 
Voici que mon cœur fond comme neige sous le soleil.
J'oublie
Les mains blanches qui tirèrent les coups de fusils qui croulèrent les empires Les mains qui flagellèrent les esclaves qui vous flagellèrent
Les mains blanches poudreuses qui vous giflèrent, les mains peintes poudrées qui m'ont giflé
Les mains sûres qui m'ont livré à la solitude à la haine
Les mains blanches qui abattirent la forêt de rôniers qui dominait l'Afrique, 
au centre de l'Afrique
Droits et durs, les Saras beaux comme les premiers hommes qui sortirent de vos mains brunes.
Elles abattirent la forêt noire pour en faire des traverses de chemin de fer
Elles abattirent les forêts d'Afrique pour sauver la Civilisation, parce qu'on manquait de matière première humaine.

Seigneur, je ne sortirai pas ma réserve de haine, je le sais, pour les diplomates qui montrent leurs canines longues Et qui demain troqueront la chair noire.
Mon cœur, Seigneur, s'est fondu comme neige sur les toits de Paris

Au soleil de votre douceur
Il est doux à mes ennemis, à mes frères aux mains blanches sans neige
A cause aussi des mains de rosée, le soir, le long de mes joues brûlante









Léopold Sédar Senghor 



sábado, febrero 03, 2018

A arte livra-nos ilusoriamente...



A arte livra-nos ilusoriamente da sordidez de sermos. Enquanto sentimos os males e as injúrias de Hamlet, príncipe da Dinamarca, não sentimos os nossos — vis porque são nossos e vis porque são vis.



O amor, o sono, as drogas e intoxicantes, são formas elementares da arte, ou, antes, de produzir o mesmo efeito que ela. Mas amor, sono, e drogas tem cada um a sua desilusão. O amor farta ou desilude. Do sono desperta-se, e, quando se dormiu, não se viveu. As drogas pagam-se com a ruína de aquele mesmo físico que serviram de estimular. Mas na arte não há desilusão porque a ilusão foi admitida desde o princípio. Da arte não há despertar, porque nela não dormimos, embora sonhássemos. Na arte não há tributo ou multa que paguemos por ter gozado dela.

O prazer que ela nos oferece, como em certo modo não é nosso, não temos nós que pagá-lo ou que arrepender-nos dele.
Por arte entende-se tudo que nos delicia sem que seja nosso — o rasto da passagem, o sorriso dado a outrem, o poente, o poema, o universo objectivo.

Possuir é perder. Sentir sem possuir é guardar, porque é extrair de uma coisa a sua essência.






Bernardo Soares (Fernando Pessoa)






El arte nos libra ilusoriamente...



El arte nos libra ilusoriamente de la sordidez de ser. Mientras sentimos los males y las injurias de Hamlet, príncipe de Dinamarca, no sentimos los nuestros —viles porque son nuestros y viles porque son viles.


El amor, el sueño, las drogas y los tóxicos son formas elementales del arte, o, mejor, producen el mismo efecto que él. Pero amor, sueño y drogas comportan cada uno su desilusión. El amor harta o desilusiona. Del sueño se despierta y, mientras se durmió, no se vivió. Las drogas se pagan con la ruina de aquel mismo cuerpo al que sirvieron para estimular. Pero en el arte no hay desilusión porque la ilusión fue admitida desde el principio. Del arte no hay despertar, porque en él no dormimos, aunque soñemos. En el arte no hay tributo o multa que paguemos por haberlo gozado.

El placer que él nos ofrece, dado que en cierto modo no es nuestro, no debemos pagarlo o arrepentirnos de él.
Por arte se entiende todo cuanto nos deleita sin ser nuestro —la huella del paso, la sonrisa para otros, el poniente, el poema, el universo objetivo.—

Poseer es perder. Sentir sin poseer es guardar, porque es extraer de una cosa su esencia.





Bernardo Soares, (Fernando Pessoa)




A espantosa realidade das coisas...


A espantosa realidade das coisas
É a minha descoberta de todos os dias.
Cada coisa é o que é,
E é difícil explicar a alguém quanto isso me alegra,
E quanto isso me basta.

Basta existir para se ser completo.

Tenho escrito bastantes poemas.
Hei-de escrever muitos mais, naturalmente.
Cada poema meu diz isto,
E todos os meus poemas são diferentes,
Porque cada coisa que há é uma maneira de dizer isto.

Às vezes ponho-me a olhar para uma pedra.
Não me ponho a pensar se ela sente.
Não me perco a chamar-lhe minha irmã.
Mas gosto dela por ela ser uma pedra,
Gosto dela porque ela não sente nada,
Gosto dela porque ela não tem parentesco nenhum comigo.

Outras vezes oiço passar o vento,
E acho que só para ouvir passar o vento vale a pena ter nascido.

Eu não sei o que é que os outros pensarão lendo isto;
Mas acho que isto deve estar bem porque o penso sem esforço,
Nem ideia de outras pessoas a ouvir-me pensar;
Porque o penso sem pensamentos,
Porque o digo como as minhas palavras o dizem.

Uma vez chamaram-me poeta materialista,
E eu admirei-me, porque não julgava
Que se me pudesse chamar qualquer coisa.
Eu nem sequer sou poeta: vejo.
Se o que escrevo tem valor, não sou eu que o tenho:
O valor está ali, nos meus versos.
Tudo isso é absolutamente independente da minha vontade.










Alberto Caeiro (Fernando Pessoa)



La asombrosa realidad de las cosas...


La asombrosa realidad de las cosas
es mi descubrimiento de todos los días.
Cada cosa es lo que es,
y es difícil explicar a alguien cómo me alegra eso
y cuánto me basta.

Basta existir para serse completo.

He escrito poemas bastantes.
Habré de escribir muchos más, naturalmente.
Cada poema mío dice esto,
y todos mis poemas son diferentes,
porque cada cosa que existe es una manera de decir esto.

A veces me pongo a mirar hacia una piedra.
No me pongo a pensar si ella siente.
No me pierdo llamándole hermana mía.
Pero me gusta por ser ella una piedra,
me gusta ella porque ella no siente nada,
me gusta ella porque ella no tiene parentesco alguno conmigo.

Otras veces oigo pasar el viento,
y descubro que sólo para oír pasar el viento vale la pena haber nacido.

Yo no sé qué será lo que los demás pensarán leyendo esto,
pero pienso que esto ha de estar bien porque lo pienso sin esfuerzo,
y sin ideas de otras personas oyéndome pensar;
porque lo pienso sin pensamientos,
porque lo digo como mis palabras lo dicen.

Una vez me llamaron poeta materialista,
y yo me sorprendí, porque no creía
que pudiera llamárseme como cualquier cosa.
Yo ni siquiera soy poeta: veo.
Si lo que escribo tiene valor, no soy yo quien lo tiene:
el valor está allí, en mis versos.
Todo eso es absolutamente independiente de mi voluntad.






Alberto Caeiro (Fernando Pessoa)

Traducción de Carlos Ciro




viernes, febrero 02, 2018

Siempre Pasa Algo


La ciudad es un lugar donde todos los asuntos
están tocados por una laboriosa inquietud.
La necesidad del movimiento
parece habitar en lo más profundo
del corazón de los hombres.
En cualquier habitación
una mujer se quita los zapatos
y se tiende sobre la cama.
Cerca de aquí un hombre cierra la puerta
y se dispone a cruzar la carretera.
Los automóviles van y vienen
aguijoneados por el trepidar de sus motores.
Esta tarde alguien se lanzará al vacío.
La caída será vertiginosa desde un noveno piso.
(En fin, la oración del movimiento perpetuo)
La obligación de no permanecer
entre estas cuatro paredes.
Hasta aquí también llegan
las insidiosas saetas de cualquier urgencia.





Jesús David Buelvas Pedroza




jueves, febrero 01, 2018

Centros


Por alguna razón inexplicable (como muchas otras) un hombre se ha parado en el centro del planeta, el cual por coincidencias astrológicas y astronómicas se encuentra, en ese momento, alineado con el centro del universo. 

Como es de suponerse, de inmediato se entabla entre este hombre y el mundo un conjunto de relaciones místicas que desembocan en la lucidez extrema. Por un instante él se adueña de todas las preguntas y respuestas que el género humano, en compañía de sus sabios y de sus dioses, ha buscado por miles de años.

En un lapso de tiempo todo ha coincidido para después continuar su marcha. Los centros se desvirtúan y la convergencia se rompe. El hombre da un paso para caer de manera irremediable en la locura.








Jesús David Buelvas Pedroza



miércoles, enero 31, 2018

Amantes


Somos como son los que se aman.
Al desnudarnos descubrimos dos monstruosos
desconocidos que se estrechan a tientas,
cicatrices con que el rencoroso deseo
señala a los que sin descanso se aman:
el tedio, la sospecha que invencible nos ata
en su red, como en la falta dos dioses adúlteros.
Enamorados como dos locos,
dos astros sanguinarios, dos dinastías
que hambrientas se disputan un reino,
queremos ser justicia, nos acechamos feroces,
nos engañamos, nos inferimos las viles injurias
con que el cielo afrenta a los que se aman.
Sólo para que mil veces nos incendie
el abrazo que en el mundo son los que se aman
mil veces morimos cada día.



gif de Gala Mirissa



Jorge Gaitán Durán


Canto XIII


La dulce tolvanera del silencioso otoño
va anegando tu imagen en su vaga humareda,
encendiendo en el tiempo la hoguera del olvido
para borrar la última ceniza de la ausencia.

Nadie sabrá que vivo para ti, que defiendo
contra las llamas trémulas tu desnudo recuerdo,
que lucho en el otoño de vientos desolados
y en sus ondas sombrías te reclaman mis sueños.

Nadie sabrá que fuiste mía bajo el otoño
de estrellas delirantes y crepúsculos vagos,
que llenaste mis labios con tu fuego de siempre,
que cayó mi tristeza sobre ti como un canto.

Porque nada resiste la invasión del olvido
cuando llega a mi alma su humareda de otoño.
Todo se va de mí, se fuga de mi vida,
tú también te me vas y permanezco solo.







Jorge Gaitán Durán


martes, enero 30, 2018

El pecado del amor propio...



El pecado del amor propio ha poseído
mi mirada, mi alma y mi todo.
Y para este pecado no hay remedio,

tan enraizado está en mi corazón.

Pienso que no hay rostro tan noble como el mío,
que es mi silueta la única real entre todas
y que mi propia valía es la vara que mide
en todos los otros sus valores, pues los sobrepasa.

Pero cuando el espejo me refleja de veras,
vencido y ajado de curtida antigüedad,
entero mi amor propio al contrario leo:

Amarse así mismo sería inicuo.
Es a ti, mí mismo, a quien yo imploro
pintar mi vejez con la belleza de tus días










William Shakespeare


Versión libre al español de Mauricio Alejandro Moreno