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miércoles, noviembre 18, 2020

Dispositions Poétiques


Les étoiles n’avaient qu’un rôle :
M’apprendre à lire
J’ai une langue dans le ciel
Et sur terre, j’ai une langue
Qui suis-je ? Qui suis-je ?


Je ne veux pas répondre ici
Une étoile pourrait tomber sur son image
La forêt des châtaigniers, me porter de nuit
Vers la voie lactée, et dire
Tu vas demeurer là


Le poème est en haut, et il peut
M’enseigner ce qu’il désire
Ouvrir la fenêtre par exemple
Gérer ma maison entre les légendes
Et il peut m’épouser. Un temps


Et mon père est en bas
Il porte un olivier vieux de mille ans
Qui n’est ni d’Orient, ni d’Occident
Il se repose peut-être des conquérants
Se penche légèrement sur moi
Et me cueille des iris


Le poème s’éloigne
Il pénètre un port de marins qui aiment le vin
Ils ne reviennent jamais à une femme
Et ne gardent regrets, ni nostalgie
Pour quoi que ce soit


Je ne suis pas encore mort d’amour
Mais une mère qui voit le regard de son fils
Dans les œillets, craint qu’il ne blessent le vase
Puis elle pleure pour conjurer l’accident
Et me soustraire aux périls
Que je vive, ici là


Le poème est dans l’entre-deux
Et il peut, des seins d’une jeune fille, éclairer les nuits
D’une pomme, éclairer deux corps
Et par le cri d’un gardénia
Restituer une patrie


Le poème est entre mes mains, et il peut
Gérer les légendes par le travail manuel
Mais j’ai égaré mon âme
Lorsque j’ai trouvé le poème
Et je lui ai demandé
Qui suis-je ?
Qui suis-je ?








 








Mahmoud Darwish

Traduction de Elias Sanbar


martes, noviembre 17, 2020

Il Étreint Son Assassin


Il étreint son assassin pour gagner sa compassion : M'en voudras-tu beaucoup si j'en réchappe? Frère... mon frère! Qu'ai-je fait pour que tu m'assassines ?... Deux rapaces nous survolent, dirige ton feu vers le haut ! Déverse ton enfer loin de moi... Viens donc à la petite maison de ma mère, qu'elle te prépare un plat de fèves. Que dis-tu? Que dis-tu ? Tu es las de mes étreintes et de mon odeur ? Fatigué de ta peur tapie en moi ? Mais alors, jette cette arme dans le fleuve! Que dis-tu ?... Un ennemi sur sa rive a mis en joue cette étreinte ? Tire donc sur l'ennemi, nous échapperons ainsi à son feu et tu éviteras la faute. Que dis-tu ? Tu vas me tuer pour que l'ennemi rentre chez lui – chez nous – et que tu reviennes au mythe de la caverne? Qu'as-tu fait du café de ma mère et de la tienne ? Qu'ai-je commis pour que tu me tues, mon frère ? Je ne relâcherai pas mon étreinte
Et ne te lâcherai pas ! 




1986




















Mahmoud Darwish

Traduction de Elias Sanbar



jueves, abril 30, 2020

À Ma Mère


J'ai la nostalgie du pain de ma mère,
Du café de ma mère,
Des caresses de ma mère...
Et l'enfance grandit en moi,
Jour après jour,
Et je chéris ma vie, car
Si je mourais,

J'aurais honte des larmes de ma mère !


Fais de moi, si je rentre un jour,
Une ombrelle pour tes paupières.
Recouvre mes os de cette herbe
Baptisée sous tes talons innocents.
Attache-moi
Avec une mèche de tes cheveux,
Un fil qui pend à l'ourlet de ta robe...
Et je serai, peut-être, un dieu,
Peut-être un dieu,
Si j'effleurais ton coeur !


Si je rentre, enfouis-moi,
Bûche, dans ton âtre.
Et suspends-moi,
Corde à linge, sur le toit de ta maison.
Je ne tiens pas debout
Sans ta prière du jour.
J'ai vieilli. Ramène les étoiles de l'enfance
Et je partagerai avec les petits des oiseaux,
Le chemin du retour...
Au nid de ton attente !






















Mahmoud Darwish

Traduction de Elias Sanbar







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Lien à l'interprétation du poème par Marcel Khalife:

Ommi


martes, abril 07, 2020

Partition Solo


Si je revenais un jour à ce qui fut : Trouverai-je
Ce qui fut et ce qui sera ? 
Partition solo
Et partition solo. 

De mille chansons, j'ai tenté de naître
Entre cendre et mer. Je n'ai pas trouvé
La mère qui fut la mère féconde.
La mer s'éloigne
Et partition solo.

J'ai cru mon âme quand elle m'a dit, adhère
Au mur qui s'effondre. Je me suis abandonné au désir sauvage
Et si j'avais, sur les saules, inscrit mon groupe sanguin,
Le vent aurait soufflé à contrevent dans les feuilles
Des saules. Les saules s'embrasent
Et partition solo.

Si je revenais un jour à ce qui fut, je ne trouverai
Que ce que, déjà, je n'y trouvais pas.
Que ne suis-je arbres, pour retrouver l'élan 
Du conteur et, partout où je penche, étayer mon horizon.
Que ne suis-je arbres qui ne grandissent pas en vain... 
Ai-je cru mon rêve ? Non. J'ai cru ce qui adviendrait
Et partition solo. 

Devant moi, une mer, et les murs me lapident.
Laisse donc ton être, mon garçon, et trouve ton salut.
La mer est plus petite que moi, comment me porterait-elle? Et elle est plus grande que moi, comment la porterai-je ?
La langue m'est devenue étroite, je me suis abandonné aux vaisseaux,
Mais le cœur de la mer ne m'a plus toléré
Lorsque  l'écume  l'absorba... Et je porte en moi la blanche éternité
Et partition solo.

Au-delà du lointain, encore un lointain, et plus il s'éloigne,
Plus le lointain s'approche des lignes de ma main.
Je le sens et le vois, un et unique
Sur l'air, à la cadence de ma chanson.
Notre ciel tombera-t-il sur nous, rassemblera-t-il ses débris
Chaque fois que nos foulées s'allongeront?
Si je revenais, un jour, à ce qui fut du pays
Des oliviers, je crierai : Prends ton temps, Pays!
Et partition solo.  

Si je revenais un jour à ce qui était, je n'y trouverai
Ni l'amour qui fut, ni l'amour qui sera.
De mille tubéreuses, j'ai tenté de promettre
Au vieux cœur un cœur jumeau et la folie
De mon aimée ! Obéissance de l'âme au corps,
Fin de ce qui jamais ne s'achève,
Tu as rompu la veine de mes vagues, fille de l'écume,
Tu as séparé ma voix de ma chanson.
Aah si je trouvais, trouvais le tempo
Et partition solo.

J'ai dit : l'Adieu n'est pas venu et il n'est pas arrivé et
Je suis parti en quête de ce qui, de ma lune, avait disparu. Laisse donc ta mort, homme, et pars.
Pars, émigre et voyage au sein du voyage.
Ce lieu n'est pas un lieu, si tu le perds.
Ce lieu n'est pas un lieu, si tu le chantes.
Mais chaque fois qu'un moineau se pose sur une pierre,
Tu recherches pour ton cœur une Eve qui le guide.
Et chaque fois qu'une branche plie, tu cries : Quel est le nombre
Des migrations ? Le nombre des morts, ô nombre?
Et partition solo. 

... Venu dans les pays des autres, je n'ai laissé
Aucun souvenir,
Ne leur ai apporté aucun.
Comme si je n'y étais pas venu, comme si je ne les avais pas vus. 

Je suis sorti pour pénétrer dans mes noms, mais l'oubli
Les dispersa et mon être se divisa pour les brandir.
Je passe par les choses comme si elles n'existaient pas...  Je ne trouve pas ce qui est.
De mille chansons, j'ai tenté de naître.
Si je revenais un jour à mon être, trouverais-je
L'être qui était l'être qui fut?
Aah si j'étais, si j'étais encore l'enfant...
Et partition solo. 











Mustafa Ata : Figurative composition , 2011











Mahmoud Darwish

Traduction de Elias Sanbar


domingo, noviembre 11, 2018

L'Art D'Aimer


Avec la coupe sertie d’azur,
Attends-la
Auprès du bassin, des fleurs du chèvrefeuille et du soir,
Attends-la
Avec la patience du cheval sellé pour les sentiers de montagne,
Attends-la
Avec le bon goût du prince raffiné et beau,
Attends-la
Avec sept coussins remplis de nuées légères,
Attends-la
Avec le feu de l’encens féminin omniprésent,
Attends-la
Avec le parfum masculin du santal drapant le dos des chevaux,
Attends-la
Et ne t’impatiente pas. Si elle arrivait après son heure,
Attends-la
Et si elle arrivait, avant,
Attends-la
Et n’effraye pas l’oiseau posé sur ses nattes,
Et attends-la
Qu’elle prenne place, apaisée, comme le jardin à sa pleine floraison,
Et attends-la
Qu’elle respire cet air étranger à son cœur,
Et attends-la
Qu’elle soulève sa robe qu’apparaissent ses jambes, nuage après nuage,
Et attends-la
Et mène-la à une fenêtre qu’elle voit une lune noyée dans le lait,
Et attends-la
Et offre-lui l’eau avant le vin et
Ne regarde pas la paire de perdrix sommeillant sur sa poitrine,
Et attends-la
Et comme si tu la délestais du fardeau de la rosée,
Effleure doucement sa main lorsque
Tu poseras la coupe sur le marbre,
Et attends-la
Et converse avec elle, comme la flûte avec la corde craintive du violon,
Comme si vous étiez les deux témoins de ce que vous réserve un lendemain,
Et attends-la
Et polis sa nuit, bague après bague,
Et attends-la
Jusqu’à ce que la nuit te dise :
Il ne reste plus que vous deux au monde.
Alors porte-la avec douceur vers ta mort désirée
Et attends-la!...













Mahmoud Darwish

Traduction : Elias Sanbar




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Lien vers L'Art D'Aimer sur le fond du Trio Joubran:





viernes, noviembre 09, 2018

Le Joueur De Dés


Qui suis-je pour vous dire
Ce que je suis en train de vous dire ?
Moi qui ne suis pas un galet que les eaux ont tellement poli
Qu'il est devenu une figure
Ni un roseau que les vents ont tellement percé
Qu'il est devenu une flûte…

Je suis le joueur de dés
Tantôt je gagne, tantôt je perds
Je suis comme vous
Ou un peu moins...

Je suis né à côté du puits
Et des trois arbres solitaires comme des nonnes
Je suis né sans cérémonial ni sage-femme
Et l’on a choisi mon nom par hasard
J’ai appartenu à une famille par hasard
J’en ai hérité les traits, les qualités
Et les maladies :

Premièrement - une malformation au niveau des artères
Et l’hypertension
Deuxièmement - la timidité à m’adresser à père, à mère
Et à la grand-mère - l'arbre
Troisièmement - l’espoir de soigner la grippe
Avec un verre de camomille bien chaud
Quatrièmement - une paresse à parler du faon et de l’alouette
Cinquièmement - une lassitude les nuits d’hiver
Sixièmement - un flagrant échec à chanter

Je n’ai aucun mérite dans ce que je fus
C’est un hasard que je sois né garçon
Par hasard, j’ai vu le croissant, pâle comme un citron
Harcelant les jeunes filles qui veillent
Je n’ai fait aucun effort pour trouver
Une tache de vin à l’endroit le plus intime de mon corps

J’aurais pu ne pas être
Mon père aurait pu ne pas avoir
Épousé ma mère par hasard
J’aurais pu être comme ma sœur
Qui cria puis mourut
Sans s'être aperçue
D’avoir vu le jour pour une heure de temps
Et de pas avoir connu sa mère

Ou alors être comme
Les œufs d’un pigeon qui se sont cassés
Avant de sortir de leur calcaire

C’est un hasard que je sois
Le survivant de l’accident du bus
J’étais alors en retard pour la navette scolaire
Parce que j’avais oublié l’existence et ses conditions
Lorsque le soir je lisais une histoire d’amour
J’y incarnais le rôle de l’auteur
Et celui de l’amant-victime
J’étais alors le martyr de l’amour dans le roman
Et le survivant de l’accident de circulation.

Je n’ai pas de mérite dans la plaisanterie avec la mer
Mais j’étais un garçon écervelé
Amateur de vagabondage dans l’attraction d’une eau
Qui m’appelait : Viens auprès de moi
Je n’ai aucun mérite à avoir été sauvé de la mer
Un albatros humain m’avait secouru
Ayant vu la mer qui me poursuivait et paralysait mes bras

J’aurais pu ne pas être follement
Épris du poème mural
Si la porte d’entrée orientée plein nord
Ne donnait pas sur la mer
Si la patrouille militaire n’avait pas vu le feu du village
Cuisant le pain de la nuit
Si quinze martyrs
Avaient reconstruit les barricades
Si cet espace agricole n’avait pas été brisé
Peut-être serais-je devenu olivier
Ou professeur de géographie
Ou spécialiste du royaume des fourmis
Ou gardien de l’écho

Qui suis-je pour vous dire
Ce que je suis en train de vous dire ?
À la porte de l’église
Moi qui ne suis que le coup de dés
Du prédateur et de la proie
J’ai gagné davantage d’éveil
Non pas pour être heureux d’un clair de lune
Mais pour être témoin du massacre

J’ai survécu par hasard : j’étais plus petit qu’un objectif militaire
Et plus grand qu’une abeille butinant entre les fleurs de la clôture
Et j’ai eu très peur pour mes frères et pour mon père
Et j’ai eu peur pour ce temps tout en verre
Et j’ai eu peur pour mon chat, pour mon lapin
Et pour une lune charmante au-dessus du grand minaret
J’ai eu peur pour les raisins de la treille
Qui pendent comme les mamelles de notre chienne

La peur me porta et je l’ai portée
Pieds nus, ayant oublié les souvenirs de ce que je voulais
Du lendemain – il n’y a pas de temps pour le lendemain-

Je marche/ Je trotte/ Je cours/ Je monte/ Je descends
/
Je crie/ J’aboie/ Je hurle/ J’appelle/ Je braille/
Je me hâte/ Je tombe/ Je m’allège/ Je sèche/ Je vole/
Je vois/ Je ne vois pas/Je trébuche/
Je jaunis/ Je verdis/ Je bleuis/
Je me mutine/ Je larmoie/ J’ai soif/ Je me fatigue/
Je m’épuise/ Je tombe/ Je me relève/
Je cours/ J’oublie/ Je vois/ Je ne vois pas/
Je me souviens/ J’entends/ Je vois/ Je délire/
J’hallucine/ Je murmure/ Je crie/
Je ne peux pas/ Je gémis/ Je deviens fou/ Je me perds/
Je m’amoindris/ Et je me multiplie/ Je tombe/ Je m’élève/
Et je descends/ Je saigne/et Je m’évanouis.

Par chance, les loups avaient disparus de l’endroit
Par hasard ou alors par crainte des soldats

Je n’ai pas joué de rôle dans ma vie
Autre que celui
De lui avoir dit : encore
Lorsqu’elle m’a appris ses psalmodies
D’avoir allumé ses lampes
Et d’avoir essayé de les régler

J’aurais pu ne pas être une hirondelle
Si le vent l’avait voulu
Ce vent qui est la chance du voyageur…
J’ai pris la direction du Nord, de l’Est, de l’Ouest
Quant au Sud, il était trop loin, trop ardu pour moi
Parce que le Sud est mon pays
Alors je suis devenu métaphore d’une hirondelle
pour voler au-dessus de mes débris
Printemps comme automne…
Je baptise mes plumes avec la nuée d’un lac
Et je fais un long ave
Au Nazaréen qui ne meurt pas
Parce qu’il porte le souffle de Dieu
Ce Dieu qui est la chance du prophète…

Et j’ai la chance d’être voisin de la divinité…

Par malchance, la croix
Est l’éternelle échelle vers notre lendemain !

Qui suis-je pour vous dire
Ce que je suis en train de vous dire
Qui suis-je ?

L’inspiration aurait pu ne pas être de mon côté
Cette inspiration qui est la chance des solitaires
Le poème est un coup de dés
Sur un plateau d’obscurité
Qui peut rayonner ou ne pas rayonner
La parole tombe alors
Comme plumes sur le sable

Je n’ai pas de rôle dans le poème
Autre que de m’incliner à son rythme :
Le mouvement des sensations s’accordant l’une l’autre
Une intuition révélant un sens
Une syncope dans l’écho des mots
Une image de moi-même qui est passée
À son alter ego
L’assurance que j’ai à l’égard de moi-même
Et ma nostalgie pour la source

Je n’ai pas de rôle dans le poème
Sauf lorsque l’inspiration tarit
Cette inspiration qui est la chance
du savoir-faire lorsqu’il innove

J’aurais pu ne pas aimer la jeune fille qui
M’a demandé : « quelle heure est-il ? »
Si je n’avais pas été sur le chemin du cinéma…
Elle aurait pu ne pas être la métisse
Qu’elle est, ou être une pensée sombre et hermétique…

C’est ainsi que naissent les mots. 
J’entraîne mon cœur
À aimer afin qu’il puisse contenir la rose et l’épine…

Mes mots sont mystiques et mes désirs sensoriels
Et je ne suis pas celui que je suis maintenant
Sauf lorsque mes deux « moi » se rencontrent :
Mon moi féminin et moi-même

O amour ! qu’es-tu ? Comme tu es toi-même
Sans être toi-même ! O amour ! Souffle sur nous
En tempêtes orageuses afin que nous parvenions
À cette incarnation du céleste dans le charnel à quoi tu nous destines
Et infiltre-toi dans un versant débordant des deux côtés
Car – que tu te manifestes ou que tu te dissimules-
Tu n’as pas de forme
Et nous t'aimons lorsque nous aimons par hasard
Tu es la chance des pauvres gens

Par malchance, j’ai échappé maintes fois
À la mort par amour
Par chance, je suis encore assez frêle
Pour mener l’expérience !

L’amoureux expérimenté se dit à part soi :
C’est l’amour qui est notre mensonge vrai
Et l’amoureuse qui l’entend
De répondre : c’est l’amour, il va et vient
Comme l’éclair et la foudre

À la vie, je dis : patience, attends-moi
Jusqu’à ce que la lie sèche dans ma coupe.
Il y a dans le jardin des roses répandues et l’air
Ne peut échapper à la rose.
Attends-moi afin que les rossignols ne me fuient pas
Car je risquerais alors de faire une fausse note
Sur la place, l’orchestre accorde ses instruments
Pour l’hymne de l’adieu.
Patience ! Tiens-moi par la taille afin que l’hymne ne soit pas
trop long ce qui romprait le rythme entre des stances
Qui sont paires alors que la clausule est impaire :
Vive la vie !
Doucement, étreins-moi afin que le vent ne m’éparpille pas
Même au-dessus du vent, je ne peux me détacher
De l’alphabet

Si je n’étais pas debout sur une montagne
Ce minaret de l’aigle m’aurait fait plaisir : aucune lumière plus haut !
Mais une gloire comme celle qui est couronnée d’un or bleu infini
Est difficile à visiter : le solitaire y demeure solitaire
Et ne peut descendre à pied
Car l’aigle ne marche pas
Ni l’homme ne vole
O cime semblable au précipice
O toi isolement élevé de la montagne !

Je n’ai aucun rôle dans ce que je fus
Ni dans ce que je serai ….
C’est la chance. Et la chance n’a pas de nom
On pourrait l’appeler forgeron de nos destinées
Facteur du ciel
Menuisier du berceau pour nouveau-né et du cercueil pour le regretté
On pourrait l’appeler domestique des dieux dans une mythologie
Où nous leur aurions écrit les textes
Avant de nous cacher derrière l’Olympe…

Les marchands de poteries affamés les ont crus
Et nous avons été démentis par les seigneurs de l’or
À la panse bien pleine par malchance pour l’auteur,
C’est la fiction qui est réaliste sur les scènes du théâtre

Derrière les coulisses, les choses sont différentes
La question n’est pas : quand ?
Mais plutôt : pourquoi ? comment ? et qui ?

Qui suis-je pour vous dire
Ce que je suis en train de vous dire ?

J’aurais pu ne pas exister,
La caravane aurait pu tomber
Dans une embuscade et la famille aurait perdu un garçon,
Même qui écrit maintenant ce poème
Lettre après lettre, saignement après saignement
Sur ce canapé avec du sang de couleur noire
Qui n’est ni l’encre du corbeau, ni sa voix
Mais plutôt un concentré de toute la nuit
Goutte à goutte, avec la main chanceuse et géniale

La poésie aurait pu gagner davantage si
Quelqu'un d'autre que lui avait été la huppe
Au-dessus du cratère du précipice
Peut-être a-t-il dit : si j’étais un autre
Je serais devenu moi-même une autre fois

C’est ainsi que je ruse : Narcisse n’était pas beau
Comme il l’avait cru. Mais ceux qui l’ont fabriqué
L’ont piégé dans son miroir. Et il contempla longuement
L’air distillé dans l’eau…

S’il avait pu voir quelqu’un d’autre
Il aurait aimé une jeune fille qui le scrutait du regard,
Oubliant les rennes trottant entre tulipes et coquelicots…

S’il était été un peu plus intelligent
Il aurait brisé son miroir
Et il aurait vu à quel point il était lui-même les autres…

S’il avait été libre, il ne serait pas devenu un mythe…

Le mirage est le livre du voyageur dans le désert.
Sans livre, sans mirage, il n’aurait pas continué la marche
À la recherche de l’eau. Il se dit : ceci est un nuage
Et il prend d’une main l’aiguière de ses espoirs et de l’autre
Il se tient la hanche. Il bat des pas sur le sable
Pour concentrer les nuages dans un trou.
Mais le mirage l’appelle,
Le tente, le dupe puis le hisse : lis
Si tu le peux. Écris si
Tu le peux. Il lit : « eau », « eau »,
« Eau ».
Et il écrit une ligne sur le sable : n’eût été le mirage
Je ne serais pas en vie jusqu’à maintenant

Par chance pour le voyageur, l’espoir
Est le frère jumeau du désespoir, ou alors sa poésie improvisée
Lorsque le ciel semble gris
Et que j’aperçois une rose qui soudain a fait saillie
À travers les lézardes d’un mur.
Je ne dis pas alors : le ciel est gris
Mais je scrute longuement la rose
Et lui dis : ah quelle journée !

Et à deux de mes amis je dis au seuil de
La nuit
S’il faut rêver, que notre rêve soit
Comme nous…et qu’il soit simple
Par exemple : que nous trois
Nous dînerons ensemble dans deux jours
Pour fêter la prophétie de notre rêve
Et qu’il ne manque personne de nous trois
Depuis deux jours,
Fêtons donc la sonate de la lune
Et la tolérance d’une mort qui nous ayant vus heureux ensemble
A fermé les yeux !
Je ne dis pas que loin, là-bas, la vie est possible

Ni que l'espace est imaginaire.
Je dis plutôt que la vie ici est possible
Que la terre est devenue sainte par hasard
Non pas parce que ses lacs, ses collines et ses arbres
Sont une copie du paradis de l’au-delà
Mais parce qu’un prophète a marché par ici,
Qu’il a prié sur un rocher à l’avoir fait pleurer
Et que la colline est tombée en pâmoison,
Par crainte de Dieu

Et c’est par hasard que la pente du champ est devenue
Dans cette ville, un musée des vétilles…
Parce que des milliers de soldats sont morts là-bas
Des deux côtés, pour défendre deux chefs qui
Disaient : allons. Et attendaient le butin dans
Deux tentes en soie, des deux côtés…

Les soldats sont morts plusieurs fois sans savoir
Jusqu’à maintenant qui a remporté la guerre !
C’est par hasard que quelques chroniqueurs ont vécu et ils ont dit :
Si les autres avaient vaincu leurs autres
L’histoire humaine aurait eu d’autres intitulés

O terre tout en verdure. Pomme. « Je t’aime ainsi verte»
Tu ondoies dans la lumière et dans l’eau. Verte. Ta nuit
Est verte. Ton aube est verte. Sème-moi en toute douceur…
Avec la douceur d’une main maternelle, dans une poignée d’air.
Je suis une de tes semences vertes…

Ce poème là n’a pas un seul auteur
Il aurait pu ne pas être lyrique…

Qui suis-je pour vous dire
Ce que je suis en train de vous dire ?
J’aurais pu ne pas être ici…

Mon avion aurait pu s’écraser
Un matin,
Mais j’ai la chance d’être un lève-tard
Et j’ai donc raté l’avion
J’aurais pu ne pas connaître Damas, le Caire
Le Louvre et les villes enchanteresses

Si je marchais plus lentement,
Le fusil aurait pu supprimer mon ombre
Du cèdre qui veille
Si je marchais plus rapidement
J’aurais pu recevoir un éclat d’obus
Et devenir une idée passagère
J’aurais pu, si j’abusais du rêve,
Perdre la mémoire.

Par chance, je dors seul
Et je peux donc être à l’écoute de mon corps
Et croire au talent que j’ai pour découvrir la douleur
J’appelle le médecin, avant de mourir de dix minutes,
Dix minutes suffisent pour que je vive par hasard
Et que je déçoive le néant
Qui suis-je pour décevoir le néant ?
Qui suis-je ? Qui suis-je ?













Mahmoud Darwish


jueves, noviembre 08, 2018

Sobre Esta Tierra


Sobre esta tierra hay algo que merece vivir: la indecisión de abril, el olor del pan al alba, las opiniones de una mujer sobre los hombres, los escritos de Esquilo, las primicias del amor, la hierba sobre las piedras, las madres erguidas sobre un hilo de flauta y el miedo que los recuerdos inspiran a los invasores.

Sobre esta tierra hay algo que merece vivir: el fin de septiembre, una dama que entra, con toda su lozanía, en la cuarentena, la hora del sol en la cárcel, una nube que imita un grupo de seres, las aclamaciones de un pueblo a quienes ascienden a la muerte sonriendo y el miedo que las canciones
inspiran a los tiranos.

Sobre esta tierra hay algo que merece vivir: sobre esta tierra está la señora de la tierra, la madre de los comienzos, la madre de los finales. Se llamaba Palestina. Se sigue llamando
Palestina. Señora: yo merezco, porque tú eres mi dama, yo merezco vivir.
















Mahmoud Darwish

Traducción del árabe: María Luisa Prieto

Sur Cette Terre


Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie : l’hésitation d’avril, l’odeur du pain à l’aube, les opinions d’une femme sur les hommes, les écrits d’Echyle, le commencement de l’amour, l’herbe sur une pierre, des mères debout sur un filet de flûte et la peur qu’inspire le souvenir aux conquérants.

Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie : la fin de septembre, une femme qui sort de la quarantaine, mûre de tous ses abricots, l’heure de soleil en prison, des nuages qui imitent une volée de créatures, les acclamations d’un peuple pour ceux qui montent, souriants, vers leur mort et la peur qu’inspirent les chansons aux tyrans.

Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie : sur cette terre, se tient la maîtresse de la terre, mère des préludes et des épilogues. On l’appelait Palestine. On l’appelle désormais Palestine. Ma Dame, je mérite la vie, car tu es ma Dame.













Mahmoud Darwish

Traduction : Elias Sanbar


jueves, abril 12, 2018

If I Were Another


If I were another on the road, I would not have looked
back, I would have said what one traveler said
to another: Stranger! awaken
the guitar more! Delay our tomorrow so our road
may extend and space may widen for us, and we may get rescued
from our story together: you are so much yourself ... and I am
so much other than myself right here before you!

If I were another I would have belonged to the road,
neither you nor I would return. Awaken the guitar
and we might sense the unknown and the route that tempts
the traveler to test gravity. I am only
my steps, and you are both my compass and my chasm.


If I were another on the road, I would have
hidden my emotions in the suitcase, so my poem
would be of water, diaphanous, white,
abstract, and lightweight... stronger than memory,
and weaker than dewdrops, and I would have said:
My identity is this expanse!

If I were another on the road, I would have said
to the guitar: Teach me an extra string!
Because the house is farther, and the road to it prettier—
that’s what my new song would say. Whenever
the road lengthens the meaning renews, and I become two
on this road: I ... and another!





Twins By the Sea, by Odd Nerdrum







Mahmoud Darwish

Translated by Fady Joudah


domingo, noviembre 12, 2017

Sé Una Cuerda Para Mi Guitarra, Agua


Sé una cuerda para mi guitarra, agua. Los conquistadores han llegado
y los antiguos conquistadores han pasado. Es difícil que recuerde mi cara
en los espejos. Sé mi memoria y veré lo que he perdido.
¿Quién soy después de este éxodo? Tengo una roca
a mi nombre sobre las llanuras que se asoma al pasado
concluido. Siete siglos me acompañan detrás de las murallas de la ciudad.
En vano se redondea el tiempo para que yo salve mi pasado de un instante
que alumbra ahora la historia de mi exilio en mí y en los otros.
Sé una cuerda para mi guitarra, agua. Los conquistadores han llegado
y los antiguos conquistadores han pasado hacia el Sur, pueblos que restauran sus días
en el montón del cambio. Yo sé quién era ayer. ¿Qué seré
mañana bajo las banderas atlánticas de Colón? Sé una cuerda,
sé una cuerda para mi guitarra, agua. No hay Egipto en Egipto. No hay
Fez en Fez y Damasco se aleja. No hay sacre
en la bandera de mi gente, no hay río al este de las palmeras asediadas
por los caballos veloces de los mongoles. ¿En qué Andalucía desapareceré, aquí
o allí? Sabré que he perecido y que aquí he dejado
lo mejor de mí: mi pasado. No tengo más que mi guitarra.
Sé una cuerda para mi guitarra, agua. Los conquistadores han partido
y han llegado los conquistadores.


Halcón Sacre...



Mahmoud Darwish

Traducción del árabe: María Luisa Prieto


martes, mayo 30, 2017

Para Nuestra Patria


Para nuestra patria,
Próxima a la palabra divina,
Un techo de nubes.
Para nuestra patria,
Lejana de las cualidades del nombre,
Un mapa de ausencia.
Para nuestra patria,
Pequeña cual grano de sésamo,
Un horizonte celeste... y un abismo oculto.
Para nuestra patria,
Pobre cual ala de perdiz,
Libros sagrados... y una herida en la identidad.
Para nuestra patria,
Con colinas cercadas y desgarradas,
Las emboscadas del nuevo pasado.
Para nuestra patria cautiva,
La libertad de morir consumida de amor.
Piedra preciosa en su noche sangrienta,
Nuestra patria resplandece a lo lejos
E ilumina su entorno...
Pero nosotros en ella
Nos ahogamos sin cesar.





Mahmoud Darwish

Traducción de María Luisa Prieto

miércoles, febrero 22, 2017

The Dice Player


Who am I to say to you
what I say to you?
I was not a stone polished by water
and became a face
nor was I a cane punctured by the wind
and became a flute...

I am a dice player,
Sometimes I win and sometimes I lose
I am like you
or slightly less...

I was born next to the well
next to the three lonely trees, lonely like the nuns
born without a celebration and without a midwife
I was named by chance
and belonged to a family by chance,
and inherited its features, traits,
and illnesses:

First - an imbalance in the arteries,
and high blood pressure
Second - shyness in addressing the mother,
the father, and the grandmother - the tree
Third - hoping to cure from flu
with a cup of hot chamomile
Fourth - laziness in talking about the gazelle and the lark
Fifth - boredom of winter nights
Sixth - a gross failure in singing ...

I played no role in who I became
It was by chance that I became a male ...
and by chance that I saw a pale moon
like a lemon, flirting with sleepless girls
I did not strive to find
a mole in the most secret places of my body!

I could have not existed
My father could have not
married my mother by chance
Or I could have been
like my sister who screamed then died
and did not realize that she was born for only one hour
and did not know her mother…

Or: like the eggs of the pigeons
smashed before the chicks saw the lights

It was by chance that I became
a survivor in bus accident
Where my school trip was delayed
because I forgot existence and its conditions
when I was reading a love story the night before,
I impersonated the role of the author,
and the role of the beloved - the victim
so I became the martyr of love in the novel
and the survivor in the road accident

I played no role in kidding with the sea,
but I was a reckless boy,
a fan of hanging around the attractiveness of water
calling me: Come to me!
nor did I play any role in surviving the sea
I was rescued by a human gull
who saw the waves pulling me and paralyzing my hands

I could have not been infected
by the fairies of the ancient hanging poetry
If the house gate was northerly
not overlooking the sea
If the army patrol did not see the village fire
baking the night
Had the fifteen martyrs re-built the barricades,
Had that field not fallen,
I could have become an olive tree
or a geography teacher
or an expert of the kingdom of ants
or a guardian of echo!

Who am I to say to you
what I say to you
at the door of the church
and I am but a throw of a dice
between a predator and a prey
I earned more awareness
not to be happy with my moonlit night
but to witness the massacre

I survived by chance:
I was smaller than a military target
and bigger than a bee wandering among the flowers of the fence
I feared for my siblings and my father
I feared for a time made of glass
I feared for my cat and rabbit
and for a magical moon,
above the high minaret of the mosque
I feared for the grapes of our vines
that suspend like the breasts of our dog ...

Fear kept up with me and I continued with it
barefooted, forgetting my little memories
of what I wanted from tomorrow -
there is no time for tomorrow -

I walk / haste / run / go up / go down /
I scream / bark / howl / call / wail /
I go faster / slower / fall down / slow down / dry /
I walk / fly / see / do not see / stumble /
I become yellow / green / blue /
I split / break into tears /
I get thirsty / tired / hungry /
I fall down / get up / run / forget /
I see / do not see / remember / hear / comprehend /
I rave / hallucinate / mumble / scream /
I can not /
I groan / become insane / go astray /
I become less / more / fall down / go up / and drop /
I bleed / and I lose consciousness /


I am fortunate that the wolves
disappeared from there by chance,
or escaped from the army

I played no role in my life, except,
when it taught me its hymns,
I said: is there any more?
and I lit its lamp then tried to amend it...

I could have not been a swallow
had the wind wished me that,
and the wind is the luck of the traveler ...
I traveled North, East, and West
but the South was far and rebellious for me
because the South is my country
So I became a swallow metaphor,
flying over my own debris autumns and springs ..
Baptizing my feathers with the clouds of the lake
then extending my greetings
to the Nasserite who does not die
for within him is the breath of God
God is the luck of the Prophet...

I am fortunate that I am a divinity neighbor ...
It is my misfortune that the cross
is the eternal ladder to our tomorrow!

Who am I to say to you
What I say to you,
Who am I?

I could have not been inspired
Inspiration is the luck of the lonely soles
The poem is a throw of a dice
on a board of darkness that may or may not shine
and the words fall like feathers on the sand

I play no role in the poem
I only obey its rhythm:
the movements of sensations, one modifies the other
intuition that brings a meaning
unconsciousness in the echo of the words
an image of myself which has transferred
from 'my own self' to another
my relying on myself
and my longing for the spring

I play no role in the poem, unless
the inspiration stops
Inspiration is the luck of the skill,
should it strive

I could have not fallen in love
with the girl who asked me: What time it is now?
Had I not been on my way to the movies ...
She could have not been a heart stealer as she was,
or a dark ambiguous desire ...

This is how words are born.
I train my heart to love
so it can have room for roses and thorns ...

My vocabularies are mystical.
My desires are sensible
I am not who I am now unless
these two meet: I, and my feminine I

O Love! What are you?
How much are you what you are, and what you are not.
O Love! Blow on us thunderstorms
to become what you love for us
a divine solutions to the physical.
And flow into an estuary of two sides.
You - visible or invisible - have no form
We love you when we love by chance
You are the luck of the poor

It is my misfortune that I repeatedly
survived the dying of love
and I am fortunate that I am still fragile
to enter into the experiment again!

The expert lover says in his secret:
Love is our sincere lie
and when his lover hears that,
she says: love comes and goes
as lightning and thunderstorms

To life I say: slow down, wait for me
until the drunkenness dries from my glass ...
There are communal roses in the garden,
and air can not escape the rose

Wait for me so the Nightingales do not escape
and I do not make a mistake in the rhythm

In the square,
the minstrels tighten the strings of their instruments,
for the farewell song.

Slow down! Be brief so the song will not last long,
and the cadence does not interrupt the preludes,
which is bilateral and has a unilateral finale:
Long live life!
Take your time! Hold me, so the wind will not scatter me around
Even riding the wind, I can not escape the alphabets

If I did not stand on a mountain,
I would have been happy with an eagle hermitage:
no light is higher!
But such glory, crowned with an infinite blue gold
is hard to visit: The lonely there remains lonely,
and he can not disembark on his feet
The eagle can not walk
nor can the human fly
O what a summit that looks like an abyss
O You, high mountain solitude!

I have no role in what I became
or will become...
It is luck. Luck has no name
We might call it the blacksmith of our fates
call it the sky mail carrier
call it the carpenter of the newborn's crib
and the coffin of the deceased
or call it the custodian of gods in legends
in which we wrote the texts for them
and hid behind the Olympic ...

The hungry pottery vendors believed them
but the satiated gold masters did not believe
It is the misfortune of the author
that fantasy is reality on theatre floors

Behind the scenes matter differs
The question is not: When?
but: Why? How? and Who?

Who am I to say to you
what I say to you?

I could have not existed
and the caravan could have fallen in an ambush,
and the family could have lost a son
The one who is writing this poem
character by character,
bleeding and bleeding on this sofa
with black blood,
not a crow ink or its voice,
but the whole night
squeezed drop by drop,
in the hands of luck and talent

Poetry could have earned more if
he was not, no one else, a Hoopoe
on the brink of an abyss
Perhaps, he said: If I was someone else,
I would become me, once again

This is how I bluff:
Narcissus is not beautiful as he thought.
His makers entangled him with a mirror.
He prolonged his meditation in the air distilled with water...

Had he been able to see others,
he would have loved a girl gazing at him,
oblivious the reindeers running between the lilies and the daisies ...

Had he been a bit more clever,
he would have broken his mirror
and saw how much he was the others...

Had he been free,
he would have not become a legend...

Mirage is the traveler's book in the desert ...
Without it, without the mirage,
he would not continue walking in search for water.
He says - this is a cloud -
and carries a jug of hope in one hand,
and with the other hand on his waist.
Beating on the sand to collect the clouds in a hole.
The mirage calls on him,
seduces him, deceives him, and lifts him up:

Read if you can!
Write if you can!
He reads: water, water, and water
He writes a line on the sand:
if it was not for the mirage,
I would have not been alive until now

It is fortunate for the traveler that hope
is the twin of despair,
or his improvised poetry

When the sky appears gray
and I see a rose suddenly grew from the cracks of a wall,
I do not say: the sky is gray
but contemplate the rose
and say to it: What a beautiful day!

For two of my friends I say at the entrance of night:
If it had to be a dream, let it be
like us ... simple
Like: dining together after two days,
the three of us
celebrating the truthfulness of prophecy of our dream,
that the three of us did not lose one
for two days
Let us celebrate the Sonata of the moon
and the tolerance of death,
that when it saw us happy together,
it re-considered!

I do not say: life out there is real, with fantastic places
rather I say: here life is possible
By chance, the land became a holy land
Not because its lakes, hills, and trees are duplicates of a higher paradise
but because a prophet walked there
prayed on a rock, and it wept
and the hill fell unconscious from the fear of God

By chance, a slope of a field in a country
became a museum of dust ...

Because thousands of soldiers died there
from the two sides,
in defense of the two leaders who said: Go!
waiting for the spoils of war in their silk tents on the two sides...

Soldiers die repeatedly not knowing,
until now, who was victorious!

By chance, some narrators lived and said:
If others were victorious upon others,
our humankind history would have had other titles

I love you green. O green land.
An apple ripples in light and water
Green
Your night is Green, your dawn is green.
Plant me gently - as gentle as a mother's hand -
in a handful of air.
I am a seed of your green seeds...

That poem does not have one poet
It could have not been made lyrical...

Who am I to say to you
what I say to you?
I could have not been who I am
I could have not been here

The plane could have crashed
that morning with me on board
I am lucky that I am a morning sleeper
and was late for the plane
I could have not seen Damascus or Cairo
or the Louver and the magical cities

Had I been a slow walker,
the rifle could have cut off my shadow from the sleepless cedar

Had I been a fast walker,
I could have been hit by shrapnel and became a passing notion

Had I been an excessive dreamer,
I could have lost my memory

I am fortunate that I sleep alone
and can listen to my body
and believe in my talent in discovering pain
and call on the doctor, ten minutes before death,
ten minutes is enough to live by chance
and disappoint the nothingness

Who am I to disappoint nothingness?
Who am I, who am I








Mahmoud Darwish


Translated by Fayeq Owei


martes, febrero 21, 2017

De Un Cielo A Otro Semejante Pasan Los Soñadores


Dejamos nuestra infancia a la
mariposa cuando dejamos
un poco de aceite en los peldaños,
pero olvidamos saludar a nuestra hierbabuena,
olvidamos saludar furtivamente a nuestro mañana
tras nosotros.
La tinta del mediodía sería blanca si no estuviera
el libro de la mariposa en torno nuestro.

Mariposa, fiel a ti misma, sé como
quieras,
antes y después de mi nostalgia.
Deja que sea tu ala y que mi locura viva
conmigo cálida.
Mariposa, madre de ti misma, no me abandones
a la suerte que me destinan.
No me abandones.

De un cielo a otro semejante, pasan los soñadores,
séquito de la mariposa,
portando espejos de agua.
Nosotros podemos ser como anhelamos.
De un cielo
a otro semejante
pasan los soñadores.

La mariposa teje con la aguja de luz
los atavíos de su comedia.
La mariposa nace de sí misma
y danza en el fuego de su tragedia.

Mitad Fénix. Lo que le ha rozado nos roza.
Una semejanza agazapada entre luz y fuego,
entre dos caminos.
No. Nuestro amor no es descuido ni sabiduría.
Siempre así, así... así.
De un cielo
a otro semejante
pasan los soñadores.

La mariposa es agua que ansía volar.
Se escapa del sudor de las muchachas y crece
en la nube de los recuerdos.
La mariposa no declama el poema,
es tan ligera que rompe las palabras
como rompen los sueños los soñadores.

Que esté.
Que nuestro mañana esté con nosotros
y también nuestro pasado.
Que nuestro hoy esté presente en el banquete de
este día,
preparado para la fiesta de la mariposa.
Y los soñadores pasan sanos y salvos
de un cielo a otro semejante.

De un cielo a otro semejante, pasan los soñadores.





Mahmoud Darwish

Traducción de María Luisa Prieto


lunes, febrero 20, 2017

To Our Land

To our land,
and it is the one near the word of god,
a ceiling of clouds
To our land,
and it is the one far from the adjectives of nouns,
the map of absence
To our land,
and it is the one tiny as a sesame seed,
a heavenly horizon ... and a hidden chasm
To our land,
and it is the one poor as a grouse’s wings,
holy books ... and an identity wound
To our land,
and it is the one surrounded with torn hills,
the ambush of a new past
To our land, and it is a prize of war,
the freedom to die from longing and burning
and our land, in its bloodied night,
is a jewel that glimmers for the far upon the far
and illuminates what’s outside it ...
As for us, inside,
we suffocate more!








Mahmoud Darwish

Translated by Fady Joudah


viernes, diciembre 23, 2016

La Última Tarde En Esta Tierra


La última tarde en esta tierra cortamos nuestros días
de nuestros arbustos y contamos los corazones que nos llevaremos
y los que dejaremos, allí. La última tarde
no nos despedimos de nada, y no encontramos tiempo para nuestro fin.
Todo permanece en su estado, el lugar renueva nuestros sueños
y a sus visitantes. De pronto no somos capaces de ironizar
porque el lugar está preparado para acoger al vacío. Aquí, la última tarde
gozamos de las montañas rodeadas de nubes. Conquista y reconquista
y un tiempo antiguo que entrega a este tiempo nuevo las llaves de nuestras puertas.
Entrad en nuestras casas, conquistadores, y bebed nuestro vino
de nuestra sencilla moaxaja, porque nosotros somos la noche en su medianoche, y no hay
alba portada por un jinete procedente de la última llamada a la oración.
Nuestro té es verde y caliente, bebedlo. Nuestros pistachos son frescos, comedlos,
y las camas son verdes, de madera de cedro, rendíos al sueño
después de este largo asedio, y dormid sobre el plumón de nuestros sueños.
Las sábanas están preparadas, los perfumes colocados en la puerta y los espejos son numerosos.
Entrad para que nosotros salgamos del todo. Dentro de poco buscaremos lo que
fue nuestra Historia en torno a la vuestra en los países lejanos
y al final nos preguntaremos: ¿Al Andalus estuvo
aquí o allí? ¿Sobre la tierra... o en el poema?






Mahmoud Darwish

Traducido por María Luisa Prieto