domingo, febrero 12, 2017

Mauvais Sang





J'ai de mes ancêtres gaulois l'oeil bleu blanc, la cervelle étroite, et la maladresse dans la lutte. Je trouve mon habillement aussi barbare que le leur. Mais je ne beurre pas ma chevelure.



Les Gaulois étaient les écorcheurs de bêtes, les brûleurs d'herbes les plus ineptes de leur temps.

D'eux, j'ai: l'idolâtrie et l'amour du sacrilège; - Oh! tous les vices, colère, luxure, - magnifique, la luxure; - surtout mensonge et paresse.

J'ai horreur de tous les métiers. Maîtres et ouvriers, tous paysans, ignobles. La main à plume vaut la main à charrue. - Quel siècle à mains! - Je n'aurai jamais ma main. Après, la domesticité mène trop loin. L'honnêteté de la mendicité me navre. Les criminels dégoûtent comme des châtrés : moi, je suis intact, et ça m'est égal.

Mais! qui a fait ma langue perfide tellement qu'elle ait guidé et sauvegardé jusqu'ici ma paresse? Sans me servir pour vivre même de mon corps, et plus oisif que le crapaud, j'ai vécu partout. Pas une famille d'Europe que je ne connaisse. - J'entends des familles comme la mienne, qui tiennent tout de la déclaration des Droits de l'Homme. - J'ai connu chaque fils de famille !

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Si j'avais des antécédents à un point quelconque de l'histoire de France!

Mais non, rien.

Il m'est bien évident que j'ai toujours été race inférieure. Je ne puis comprendre la révolte. Ma race ne se souleva jamais que pour piller: tels les loups à la bête qu'ils n'ont pas tuée.

Je me rappelle l'histoire de la France fille aînée de l'Église. J'aurai fait, manant, le voyage de terre sainte, j'ai dans la tête des routes dans les plaines souabes, des vues de Byzance, des remparts de Solyme; le culte de Marie, l'attendrissement sur le crucifié s'éveillent en moi parmi les mille féeries profanes. - Je suis assis, lépreux, sur les pots cassés et les orties, au pied d'un mur rongé par le soleil. - Plus tard, reître, j'aurais bivaqué sous les nuits d'Allemagne.

Ah! encore: je danse le sabat dans une rouge clairière, avec des vieilles et des enfants.

Je ne me souviens pas plus loin que cette terre-ci et le christianisme. Je n'en finirais pas de me revoir dans ce passé. Mais toujours seul; sans famille; même, quelle langue parlais-je? Je ne me vois jamais dans les conseils du Christ; ni dans les conseils des Seigneurs, - représentants du Christ.

Qu'étais-je au siècle dernier: je ne me retrouve qu'aujourd'hui. Plus de vagabonds, plus de guerres vagues. La race inférieure a tout couvert - le peuple, comme on dit, la raison; la nation et la science.

Oh! la science! On a tout repris. Pour le corps et pour l'âme, - le viatique, - on a la médecine et la philosophie, - les remèdes de bonnes femmes et les chansons populaires arrangées. Et les divertissements des princes et les jeux qu'ils interdisaient! Géographie, cosmographie, mécanique, chimie!...

La science, la nouvelle noblesse! Le progrès. Le monde marche! Pourquoi ne tournerait-il pas?

C'est la vision des nombres. Nous allons à l'Esprit. C'est très certain, c'est oracle, ce que je dis. Je comprends, et ne sachant m'expliquer sans paroles païennes, je voudrais me taire.

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Le sang païen revient! L'esprit est proche, pourquoi Christ ne m'aide-t-il pas, en donnant à mon âme noblesse et liberté. Hélas! l'Évangile a passé! l'Évangile! l'Évangile.

J'attends Dieu avec gourmandise. Je suis de race inférieure de toute éternité.

Me voici sur la plage armoricaine. Que les villes s'allument dans le soir. Ma journée est faite; je quitte l'Europe. L'air marin brûlera mes poumons; les climats perdus me tanneront. Nager, broyer l'herbe, chasser, fumer surtout; boire des liqueurs fortes comme du métal bouillant, - comme faisaient ces chers ancêtres autour des feux.

Je reviendrai, avec des membres de fer, la peau sombre, l'oeil furieux: sur mon masque, on me jugera d'une race forte. J'aurai de l'or: je serai oisif et brutal. Les femmes soignent ces féroces infirmes retour des pays chauds. Je serai mêlé aux affaires politiques. Sauvé.

Maintenant je suis maudit, j'ai horreur de la patrie. Le meilleur, c'est un sommeil bien ivre, sur la grève.

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On ne part pas. - Reprenons les chemins d'ici, chargé de mon vice, le vice qui a poussé ses racines de souffrance à mon côté, dès l'âge de raison - qui monte au ciel, me bat, me renverse, me traîne.

La dernière innocence et la dernière timidité. C'est dit. Ne pas porter au monde mes dégoûts et mes trahisons.

Allons! La marche, le fardeau, le désert, l'ennui et la colère.

À qui me louer? Quelle bête faut-il adorer? Quelle sainte image attaque-t-on? Quels coeurs briserai-je? Quel mensonge dois-je tenir? - Dans quel sang marcher?

Plutôt, se garder de la justice. - La vie dure, l'abrutissement simple, - soulever, le poing desséché, le couvercle du cercueil, s'asseoir, s'étouffer. Ainsi point de vieillesse, ni de dangers : la terreur n'est pas française.

- Ah! je suis tellement délaissé que j'offre à n'importe quelle divine image des élans vers la perfection.

O mon abnégation, ô ma charité merveilleuse! ici-bas, pourtant!

De profundis Domine, suis-je bête!

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Encore tout enfant, j'admirais le forçat intraitable sur qui se referme toujours le bagne; je visitais les auberges et les garnis qu'il aurait sacrés par son séjour; je voyais avec son idée le ciel bleu et le travail fleuri de la campagne; je flairais sa fatalité dans les villes. Il avait plus de force qu'un saint, plus de bon sens qu'un voyageur - et lui, lui seul! pour témoin de sa gloire et de sa raison.

Sur les routes, par des nuits d'hiver, sans gîte, sans habits, sans pain, une voix étreignait mon coeur gelé: "Faiblesse ou force: te voilà, c'est la force. Tu ne sais ni où tu vas ni pourquoi tu vas, entre partout, réponds à tout. On ne te tuera pas plus que si tu étais cadavre." Au matin j'avais le regard si perdu et la contenance si morte, que ceux que j'ai rencontrés ne m'ont peut-être pas vu.

Dans les villes la boue m'apparaissait soudainement rouge et noire, comme une glace quand la lampe circule dans la chambre voisine, comme un trésor dans la forêt! Bonne chance, criais-je, et je voyais une mer de flammes et de fumées au ciel; et, à gauche, à droite, toutes les richesses flambant comme un milliard de tonnerres.

Mais l'orgie et la camaraderie des femmes m'étaient interdites. Pas même un compagnon. Je me voyais devant une foule exaspérée, en face du peloton d'exécution, pleurant du malheur qu'ils n'aient pu comprendre, et pardonnant! - Comme Jeanne d'Arc! - "Prêtres, professeurs, maîtres, vous trompez en me livrant à la justice. Je n'ai jamais été de ce peuple-ci; je n'ai jamais été chrétien; je suis de la race qui chantait dans le supplice; je ne comprends pas les lois; je n'ai pas le sens moral, je suis une brute: vous trompez..."

Oui, j'ai les yeux fermés à votre lumière. Je suis une bête, un nègre. Mais je puis être sauvé. Vous êtes de faux nègres, vous maniaques, féroces, avares. Marchand, tu es nègre; magistrat, tu es nègre; général, tu es nègre; empereur, vieille démangeaison, tu es nègre: tu as bu d'une liqueur non taxée, de la fabrique de Satan. - Ce peuple est inspiré par la fièvre et le cancer. Infirmes et vieillards sont tellement respectables qu'ils demandent à être bouillis. - Le plus malin est de quitter ce continent, où la folie rôde pour pourvoir d'otages ces misérables. J'entre au vrai royaume des enfants de Cham.

Connais-je encore la nature? me connais-je? - Plus de mots. J'ensevelis les morts dans mon ventre. Cris, tambour, danse, danse, danse, danse! Je ne vois même pas l'heure où, les blancs débarquant, je tomberai au néant.

Faim, soif, cris, danse, danse, danse, danse!

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Les blancs débarquent. Le canon! Il faut se soumettre au baptême, s'habiller, travailler.

J'ai reçu au coeur le coup de la grâce. Ah! je ne l'avais pas prévu!

Je n'ai point fait le mal. Les jours vont m'être légers, le repentir me sera épargné. Je n'aurai pas eu les tourments de l'âme presque morte au bien, où remonte la lumière sévère comme les cierges funéraires. Le sort du fils de famille, cercueil prématuré couvert de limpides larmes. Sans doute la débauche est bête, le vice est bête ; il faut jeter la pourriture à l'écart. Mais l'horloge ne sera pas arrivée à ne plus sonner que l'heure de la pure douleur ! Vais-je être enlevé comme un enfant, pour jouer au paradis dans l'oubli de tout le malheur!

Vite! est-il d'autres vies? - Le sommeil dans la richesse est impossible. La richesse a toujours été bien public. L'amour divin seul octroie les clefs de la science. Je vois que la nature n'est qu'un spectacle de bonté. Adieu chimères, idéals, erreurs.

Le chant raisonnable des anges s'élève du navire sauveur : c'est l'amour divin. - Deux amours! je puis mourir de l'amour terrestre, mourir de dévouement. J'ai laissé des âmes dont la peine s'accroîtra de mon départ! Vous me choisissez parmi les naufragés, ceux qui restent sont-ils pas mes amis?

Sauvez-les!

La raison m'est née. Le monde est bon. Je bénirai la vie. J'aimerai mes frères. Ce ne sont plus des promesses d'enfance. Ni l'espoir d'échapper à la vieillesse et à la mort. Dieu fait ma force, et je loue Dieu.

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L'ennui n'est plus mon amour. Les rages, les débauches, la folie, dont je sais tous les élans et les désastres, - tout mon fardeau est déposé. Apprécions sans vertige l'étendu de mon innocence.

Je ne serais plus capable de demander le réconfort d'une bastonnade. Je ne me crois pas embarqué pour une noce avec Jésus-Christ pour beau-père.

Je ne suis pas prisonnier de ma raison. J'ai dit: Dieu.

Je veux la liberté dans le salut : comment la poursuivre? Les goûts frivoles m'ont quitté. Plus besoin de dévouement ni d'amour divin. Je ne regrette pas le siècle des coeurs sensibles. Chacun a sa raison, mépris et charité: je retiens ma place au sommet de cette angélique échelle de bon sens.

Quant au bonheur établi, domestique ou non... non, je ne peux pas. Je suis trop dissipé, trop faible. La vie fleurit par le travail, vieille vérité: moi, ma vie n'est pas assez pesante, elle s'envole et flotte loin au-dessus de l'action, ce cher point du monde.

Comme je deviens vieille fille, à manquer du courage d'aimer la mort!

Si Dieu m'accordait le calme céleste, aérien, la prière, - comme les anciens saints. - Les saints! des forts! les anachorètes, des artistes comme il n'en faut plus!

Farce continuelle! Mon innocence me ferait pleurer. La vie est la farce à mener par tous.

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Assez! voici la punition. - En marche!

Ah! les poumons brûlent, les tempes grondent! la nuit roule dans mes yeux, par ce soleil! le coeur... les membres...

Où va-t-on? au combat? je suis faible! les autres avancent. Les outils, les armes... le temps!...

Feu! feu sur moi! Là! ou je me rends. - Lâches! - Je me tue! Je me jette aux pieds des chevaux!

Ah!...

- Je m'y habituerai.

Ce serait la vie française, le sentier de l'honneur !



Arthur Rimbaud


Já Não Me Importo

Já não me importo
Até com o que amo ou creio amar.
Sou um navio que chegou a um porto
E cujo movimento é ali estar.


Nada me resta
Do que quis ou achei.
Cheguei da festa
Como fui para lá ou ainda irei

Indiferente
A quem sou ou suponho que mal sou,

Fito a gente
Que me rodeia e sempre rodeou,

Com um olhar
Que, sem o poder ver,
Sei que é sem ar
De olhar a valer.

E só me não cansa
O que a brisa me traz
De súbita mudança
No que nada me faz.















Fernando Pessoa



sábado, febrero 11, 2017

Jorge De Capadócia


Jorge sentou praça na cavalaria
E eu estou feliz porque eu também sou da sua companhia
Eu estou vestido com as roupas e as armas de Jorge
Para que meus inimigos tenham pés, não me alcancem
Para que meus inimigos tenham mãos, não me peguem, não me toquem
Para que meus inimigos tenham olhos e não me vejam
E nem mesmo um pensamento eles possam ter para me fazerem mal


Armas de fogo, meu corpo não alcançará
Facas, lanças se quebrem, sem o meu corpo tocar
Cordas, correntes se arrebentem, sem o meu corpo amarrar
Pois eu estou vestido com as roupas e as armas de Jorge

Jorge é de Capadócia, viva Jorge!
Jorge é de Capadócia, salve Jorge!

Perseverança, ganhou do sórdido fingimento
E disso tudo nasceu o amor
Perseverança, ganhou do sórdido fingimento
E disso tudo nasceu o amor

Ogan toca pra Ogum
Ogan toca pra Ogum
Ogan Ogam toca pra Ogum

Jorge é da Capadócia
Jorge é da Capadócia
Jorge é da Capadócia
Jorge é da Capadócia

Ogan toca pra Ogum
Ogan toca pra Ogum

Jorge sentou praça na cavalaria
E eu estou feliz porque eu também sou da sua companhia

Ogan toca pra Ogum
Ogan toca pra Ogum










Jorge Ben Jor





jueves, febrero 09, 2017

Ausencia



Leopoldo a su Aglaura

 

Todo, amada, en tu ausencia siempre larga te llora:
El silencio y la estrella, la sombra y la canción,
Lo que duda en la dicha, la que en la duda implora.
Y luego... este profundo sangrar del corazón.

Como no ha de llorarte todo lo que es hermoso
Y todo cuanto es triste porque es capaz de amar,
Si tu ausencia ¡tan larga! se parece al reposo
De la luna suicida que se ahoga en el mar.

Con tu ausencia anochecen la alegría y la aurora.
La esperanza es angustia, sinsabor el placer.
Y hasta en la misma perla del rocío te llora
Lo que tiene de lágrima toda gota al caer.







Leopoldo Lugones


martes, febrero 07, 2017

Nevado Sagrado


Tabernáculo de picos nevados
Y en Kekexili la noche se aproxima
El cielo se ilumina con antorchas de oro
Inhalo la selva otoñal
Y observo el velo estrellado de Maya que cae
En la oscuridad del vientre de la madre

Mis pensamientos y deseos se mantienen a flote
Sé que mi última oportunidad ha llegado
Mi lengua envía sucesivas alabanzas de espíritus sagrados
Mientras anhelos azules de distantes mares disminuyen











Verdaderamente provenimos de los doce hijos de la tribu
   de la nieve
Resucitados tardíamente desde un réquiem por los héroes
Sólo aquí, en el dominio eterno de la luz del sol

La sombra de un pájaro, el ciclo de vida
Proveerán las cosas de la eterna memoria
Los picos brillan serenamente, como lo cuentan las historias
En este momento parezco un celebrante
Sin nada que ofrecer, sino lágrimas en mi rostro
Y mi credo de toda la vida al cual le doy voz
Confiándolo a los mensajeros del crepúsculo
Descubro que mi espíritu busca dirección
Pasando por valles, a través del aire prístino
A través de una amplia llanura, una tierra de libertad
Allá lo veo, como una sacra garuda de oro
Por fin alcanzando la entrada de luz de la humanidad.











Jidi Majia



Para Hacer Un Talismán


Se necesita sólo tu corazón
hecho a la viva imagen de tu demonio o de tu dios.
Un corazón apenas, como un crisol de brasas para la idolatría.
Nada más que un indefenso corazón enamorado.
                                                       Déjalo a la intemperie,
donde la hierba aúlle sus endechas de nodriza loca y no pueda dormir,
donde el viento y la lluvia dejen caer su látigo en un golpe de azul escalofrío
sin convertirlo en mármol y sin partirlo en dos,
donde la oscuridad abra sus madrigueras a todas las jaurías y no logre olvidar.
Arrójalo después desde lo alto de su amor al hervidero de la bruma.
Ponlo luego a secar en el sordo regazo de la piedra,
y escarba, escarba en él con una aguja fría hasta arrancar el último grano de esperanza.
Deja que lo sofoquen las fiebres y la ortiga,
que lo sacuda el trote ritual de la alimaña,
que lo envuelva la injuria hecha con los jirones de sus antiguas glorias.
Y cuando un día un año lo aprisione con la garra de un siglo, antes que sea tarde,
antes que se convierta en momia deslumbrante,
abre de par en par y una por una todas sus heridas:
que las exhiba al sol de la piedad, lo mismo que el mendigo,
que plaña su delirio en el desierto,
hasta que sólo el eco de un nombre crezca en él con la furia del hambre:
un incesante golpe de cuchara contra el plato vacío.

Si sobrevive aún, si ha llegado hasta aquí hecho a la viva imagen de tu demonio o de tu dios;
he ahí un talismán más inflexible que la ley, más fuerte que las armas y el mal del enemigo.
Guárdalo en la vigilia de tu pecho igual que a un centinela.
Pero vela con él.
Puede crecer en ti como la mordedura de la lepra; puede ser tu verdugo.
¡El inocente monstruo, el insaciable comensal de tu muerte!






Olga Orozco


lunes, febrero 06, 2017

Cada uno tiene su pedazo de tiempo...


Cada uno tiene
su pedazo de tiempo
y su pedazo de espacio,
su fragmento de vida
y su fragmento de muerte.

Pero a veces los pedazos se cambian
y alguien vive con la vida de otro
o alguien muere con la muerte de otro.

Casi nadie está hecho
tan sólo con lo propio.
Pero hay muchos que son
nada más que un error:
están hechos con los trozos
totalmente cambiados.















Roberto Juarroz


miércoles, febrero 01, 2017

Primera Afirmación Corporal

Dulce materia mía, lento ruido,
de hueso a voz en nervios resbalando.
Tibia saliva mía, espesa mezcla
de mis células vivas y mi lengua.
De sigilosas venas, de sonidos,
por extraños follajes amparados,
mis dos brazos irrumpen, mis dos brazos,
ávidos de tocar, de ser externos,
como dos instrumentos de agonía.
¡Y tanto muro para tantos besos,
para tantas miradas y tobillos
para tanto plumón y cabellera
al viento somatén dolido y frío!
Este soy yo. Lo sé, lo reconozco,
lo dicen mi volumen y mi sombra,
lo repite una casa y una aldaba,
y un vientre azul lo esparce por el aire
a otras narices y rodillas solas.
Este soy yo. Lo digo con mi fuego,
lo afirmo con mi olor y mi latido
y la luz de mi traje lo pregona.
Ahora soy de cartílago y rocío,
de tarde, de vainilla y cementerio.
Un hombre oculto, un hombre que camina,
un pueblo celular, desconocido,
con hígado y pulmón tras su mirada.
¡Con tanta rosa viva, tanta luna,
tanto ruido bramando y yo tan solo!
Yo solo aquí, miradme, entre mis huesos,
embutido en mi piel y mis maneras.
Náufrago de mi sangre.
Responsable de un pecho y una risa,
apretado de nombres y temores,
con orejas corriendo atolondradas,
con suelas que deshacen la madera,
con hambre de vivir y ser vivido,
con hambre de gritar y que me entiendan
los lirios, las monedas y las tapias.
Este soy yo, lo digo simplemente:
un hombre que se muere por la tarde
para encender al alba su garganta,
un hombre que conoce sin saberlo
a todo lo que vive y se incorpora,
a todo lo que muere y resucita,
a lo que duerme entre la sal y el cielo.
No me pongan un rótulo.
No le pongan color a mi destino.
No me pinten de azul o de amarillo
o de rojo encendido o verde mora
el sudor de mi axila o mi cabello.
No pongan a derecha mis sentidos
ni a izquierda mi dolor y mi sonido.
Yo soy de aquí. De aquí, de donde piso,
de donde crezco y muero,
donde tiemblo y espero,
donde tengo parada mi estatura
y mis cinco sentidos verticales.
No me llamen, siquiera, por un nombre.
Llámenme simplemente
como se llama frío a lo que hiela
o fuego a lo que quema
o viento a lo que esparce y multiplica.
Porque ésto soy, no más, esto que miran
sufrir aprisionado en el vacío:
una mezcla de sangre, hueso y nada,
de agua sedienta y anhelante frío.




Héctor Rojas Herazo



lunes, enero 30, 2017

Nota I

te nombraré veces y veces.
me acostaré con vos noche y día.
noches y días con vos.
me ensuciaré cogiendo con tu sombra.
te mostraré mi rabioso corazón.
te pisaré loco de furia.
te mataré los pedacitos.
te mataré uno con paco.
otro lo mato con rodolfo.
con haroldo te mato un pedacito más.
te mataré con mi hijo en la mano.
voy a venir con diana y te mataré.
voy a venir con jote y te mataré.
te voy a matar, derrota.
nunca me faltará un rostro amado
para matarte otra vez.
vivo o muerto
            un rostro amado.
hasta que mueras dolida como estás
             ya lo sé.
te voy a matar
             yo
te voy a matar.





Juan Gelman



martes, enero 24, 2017

Los Yaruros


Sin más posesiones que lo que cabe en una canoa
andaban errantes en los ríos Capanaparo y Cinaruco,
                    afluentes del Orinoco,
recogiendo su alimentación diaria y pensando
en la vida bienaventurada que les esperaba,
                                después de ésta,
en la dichosa Tierra de Kuma.

Dormían semienterrados en la arena; arena
era su única protección contra los mosquitos y el frío.
               A veces clavaban ramas en la arena
y eso era lo más parecido a una casa que tenían.
Se levantaban en gran silencio al despuntar la aurora
y se quedaban sentados como en meditación,
                mirando hacia el oeste.
Más tarde cogían sus pobres utensilios de caza y pesca,
y se iban unos a la selva y otros en canoas por el río.
Volvían con pequeños cocodrilos o huevos de cocodrilo,
tortugas o huevos de tortuga, miel, plantas alimenticias.                             Después de esa comida, la única del día,
ya no hacían nada. Pronto llegaba la noche
y los yaruros se sentaban a esperar su llegada,
vueltos hacia el oriente, de donde salían las estrellas y la luna.
Se estaban contemplando las estrellas en la noche callada
                    y el paso de los meteoros,
mensajeros de Kuma que atraviesan la noche.
Los hombres se dedicaban a hablar del cielo
                     mientras los niños jugaban en la arena.
Petrullo nos describe la emoción de esas noches:
desnudos en la arena tibia contemplando las estrellas,
oyendo la sinfonía del mundo, y cerca la risa de los niños jugando
y el cuchicheo suave de las mujeres. Y entonces el shamán
melodiosamente explicaba el sentido de la existencia
y relataba los mitos, mientras se oía junto con los mitos
el soplar del viento, el chillido de los pájaros nocturnos,
el salto de ciertos peces en el río,
el rugido del jaguar lejos, el aullido de los monos.
Se callaba el shamán; la cara vuelta hacia el oriente
                  como en una profunda contemplación.
Después comenzaría a cantar suavemente,
poco a poco su canto haciéndose más animado
y después comenzando a danzar ... Lo acompañaban algunos
en el canto y la danza, y después otros y otros más,
la música cada vez más y más animada.
                                    Las estrellas arriba iban pasando
también ellas como en una animada danza, también como con maracas.
Y cuando ya las estrellas y la luna habían descendido en el oeste
y el sol despuntada en el este, suspendían la danza,
conversaban un poco, y se dormían.
Antes esos llanos tuvieron muchas otras tribus
de las que casi no se sabe nada. Desaparecieron
los tamanachi, los guamos, los achaguas, los otomacos.
                  Los llanos convertidos en fincas.
En el río Capanaparo sólo quedaban 1 50 yaruros
y otros más en el Cinaruco. Eso era en 1934
cuando los visitó Petrullo. Y estaban a punto de extinguirse.
Un pueblo perseguido, sabiendo que su extinción era inminente.
Se dan a sí mismos el nombre Pumeh, que literalmente es "gente"
y lo usan como "pueblo", en el sentido de "pueblo escogido".
                 Sólo ellos son Pumeh. A los blancos
dan el nombre español de racionales. Los racionales
los habían explotado siempre y les quitaban sus mujeres.
Un tiempo ellos eran muchos, le dijeron a Petrullo.
Ya quedaban pocos. Pero Kuma, su Diosa que vive en el oeste
esperaba que murieran todos para recibirlos en su Tierra.
Pidieron al antropólogo una foto de Kuma o la Tierra de Kuma.
Un pueblo semidesnudo recorriendo los ríos en canoas,
durmiendo en la arena, comiendo cocodrilo; sus campamentos
sin casas, sólo unas ramas clavadas en la arena,
unas cestas rotas, harapos, unas tinajas viejas:
pero día y noche habitando un mundo lleno de misterio.




Una tarde en la arena contemplaban la puesta de sol,
viendo el sol hundirse en el oeste, la Tierra de Kuma.
Estuvieron en silencio hasta que no hubo luz. Cuando se apagaron
los últimos rayos, el shamán explicó a Petrullo
que ese era un saludo de Kuma a su pueblo, los yaruros.
Después siguió en silencio, fumando, meditando
con la cara hacia el oriente. Al salir las primeras estrellas
comenzó a cantar con voz suave y vacilante. Después
dos niños lo acompafiaron en el canto. Después
también algunas mujeres. Cuando la Cruz del Sur estaba alta cogió unas maracas de calabaza y el canto fue más animado.
Empézaron a danzar, las maracas ya más fuertes
y la danza cada vez más movida; a medianoche ya era frenética,
y ya todos danzando con el shamán: las mujeres en un círculo
cada una con el brazo derecho en el hombro de su compañera
y golpeando el suelo con el pie derecho,
los hombres en otro círculo interior alrededor del poste,
         el cuerpo del shamán un solo temblor
y el canto y la danza más y más violentos,
las maracas resonando cada vez más
con cada gran golpe que daban con el pie derecho.
Al amanecer fue más recio el soplar del viento,
el aullar de los monos fue más fuerte,
y el canto de los yaruros fue con mayor pasión.
La estrella de la mañana ya estaba alta. Alboreó en el oriente
y sólo entonces se callaron.
          Una noche de canto y danza había pasado.

Les interesaba mucho el cielo estrellado, cuenta Petrullo,
y se estaban contemplándolo largamente,
         leyéndolo como un libro,
observando los diferentes brillos de las estrellas
         y las figuras que forman.
Otra noche estuvieron contemplando las estrellas
y el paso de los meteoros, mensajeros de Kuma,
hablando y hablando de Kuma y las cosas del cielo.
La Cruz del Sur se levantó, y se calmó el viento,
           y los monos ya no se oyeron más
           y los yaruros también se callaron,
y quedaron inmóviles, igual que la quietud que los rodeaba. La luna salió después sobre los montes de la Guayana
y entonces el shamán comenzó el canto. Esa noche
recibieron del cielo el mensaje de siempre: los yaruros estaban condenados a morir, pero pasarían a un mundo mejor,
y les aguardaba una vida dichosa en compañía de Kuma.
Allí tendrían casas y ganado, vestidos, tabaco.
Y nacerían de nuevo jóvenes y fuertes y hermosos.
Y este mundo se acabaría porque estaban matando a los yaruros.
Terminaron otra vez sus danzas al salir el sol.

Era muy fácil hacerlos hablar de Kuma
                              y el mundo al cual irían.
Ningún otro tema les interesaba tanto.
Era difícil que hablaran de sus otras creencias,
porque la vida para ellos en este mundo había prácticamente cesado.
Como grupo su voluntad de vivir había terminado. Veían inútil
tratar de mantener su cultura en contra de los racionales.
       Sabían que estaban condenados a perecer
y su único consuelo eran Kuma y la Tierra de Kuma.
Seguían yendo a cazar el cocodrilo y la tortuga, la iguana y el zahino,
a pescar el tonino y el manatí, y a recoger el changuango,
y se consolaban con el canto y la danza, el contacto con Kuma,
    pero ya no tenían la voluntad de vivir.
         Los meteoros son mensajeros.
Siempre están escuchando el viento que allí sopla fuerte,
y descifrando todo lo que en el viento se oye:
el aullar de los monos que un tiempo fueron hombres,
el salto de los toninos en el río que también fueron hombres,
o la voz de los cocodrilos que son hombres metamorfoseados.
La muerte no la temían sino era cosa que deseaban.
Los muertos vivían en la Tierra de Kuma, un mundo feliz,
idéntico al que había antes de la llegada de los blancos.
Lo que querían es que todos los yaruros murieran pronto
para estar pronto reunidos todos en la Tierra de Kuma.

Ninguna explicación tenían de la superioridad de los blancos
          a no ser por la maldad de los blancos.
Los yaruros habían sido el pueblo escogido de Kuma,
creados los primeros antes que ninguna otra tribu;
y por eso se les dio los llanos, donde es mayor el cielo,
para qué día y noche pudieran estar en contacto con Kuma. El sol navega en una canoa de oriente a occidente
       y por la noche se va a la Tierra de Kuma.
Las plantas de los racionales, plátanos, maíz, tabaco,
      los yaruros las tuvieron primero,
pero de ellas ahora sólo tienen la raíz.
La Tierra de Kuma es bella y vasta como los llanos venezolanos.
En ella no hay árboles pero está llena de animales de caza.
En esas sabanas hay una ciudad muy grande: la Ciudad de Kuma.

Un pueblo de místicos, obsesionados por el cielo.
Una noche en la Mena, el shamán comenzó a hablar místicamente
de la belleza del fuego en que se asaban las tortugas,
del brillo de la arena bajo la luna,
de los monos araguatos que aullaban lejos,
de los pájaros que cantaban en lo oscuro
y de los toninos que saltaban en el río,
      y de todo el universo.




La despedida del antropólogo fue triste.
       Quedaban solos, dijeron
sin nadie con quien hablar de cosas religiosas
            más que con ellos mismos.
No salían a buscar los pequeños cocodrilos y las tortugas
    y era porque estaban tristes por su partida.
La canoa se alejó lentamente, dejando en la ancha arena
unos pocos seres humanos, solos, en su mundo extrafio.
     Él se fue seguro que muy pronto se extinguirían.
Todavía hay yaruros. Yo en Venezuela fui a buscarlos.
     Los visité en la Semana Santa de 1977.
Ya no están en el Capanaparo ni en ningún otro río.
Todos sus lugares de caza ahora son latifundios.
Su campamento polvoriento: con conchas de tortuga, calabazas,
junto a recipientes de plástico, viejos, rotos,
y latas de supermercados, chopeadas, oxidadas,
      como sacadas de un basurero.
Una mujer nos pidió "ropa vieja".
Fuimos a buscar otro campamento, lejos, en esos llanos. Pasamos por un latifundio robado a los yaruros, donde
            de su avioneta particular estaban bajando
unos jovencitos de Caracas con coca-colas y cervezas heladas.
Esa tarde nos perdimos en el mar de los llanos venezolanos.
Escogimos a unos arbustos para colgar hamacas.
Sin agua para beber, sólo un poco para el jeep.
     En algún sitio, en ese océano de lomas,
habría otro campamento de "pueblo escogido".
Oímos un tambor lejano ... ¡Una fiesta de yaruros!
Pero no fue tambor sino el radiador del jeep sobrecalentado.
         De pronto el llano se llenó de estrellas.
Una ciudad sobre el llano. Como Caracas nocturna
pero más bella que Caracas ¡La Ciudad de Kuma!
      Sin barracas. Y nosotros
un bello cuerpo celeste entre todos los otros.
            Vi que el cielo también es esta tierra.
Todas las estrellas del cielo son la Tierra de Kuma
pero esta tierra también es la Tierra de Kuma
que anhelan los yaruros, el Pueblo Escogido.
                            Madre Kuma defiéndelos.
No toda religión es opresión
                         instrumento de clases dominantes:
cuando la religión no es propiedad privada sino bien común
         no es enajenante.
Pensé en los llanos sin latifundios de la Tierra de Kuma.
         El hecho de que la tierra forma parte de los cielos.                      (Somos el cielo para cualquier otro planeta
             que nos está mirando en la noche estrellada)
En la Vía Láctea no hay un cuerpo central,
                 es una especie de república
donde los movimientos de los miembros
están regulados por las fuerzas gravitatorias combinadas
de todos los miembros de la población estelar.
          La república de los cielos.
            (No es monarquía).
¡Y la conciencia en incontables puntos del universo!
     Un universo común.
La seguridad de no estar solos en el cosmos.
Mirando estrellas que están lejos en el pasado
(los tiempos son distintos para cada estrella)
y pensando:
       Qué bella esta Tierra entre las estrellas.
Unas aves cantaban como maracas.
Y una voz lejana pero cercana (en el jeep): Radio Habana.
En las montañas de Nicaragua había muerto un jefe guerrillero,
mi amigo Carlos Agüero, con un tiro en el corazón.
         ...Como maracas de yaruros. Y pasé horas
contemplando las estrellas en el enorme cielo de los llanos
      -desde mi hamaca-
y los muchos meteoros que atraviesan la noche.


Ernesto Cardenal


sábado, enero 21, 2017

Límite


Como ando, así desando mi camino,
repítome hacia atrás; y por las malas,
corazón ali-caído,
me voy pisando los ayeres, los entonces.

¡Qué difícil, hermanos, es morirse de frente!

Cómo nos cuesta caminar el tiempo;
dormir la noche, despertar de ayer,
mirar de nuevo, el sol
y vestirnos, hermanos, ¡ay!, vestirnos de hoy.

Si las huellas no fueran sino huellas,
si pasara el pasado de verdad,
yo pudiera ser cóndor,
yo pudiera ser fuente.

Con toda buena fe, pudiera
doblar la esquina de la aurora,
desayunar de todo corazón,
besar a la niñita en paz de espíritu,
y por fin, tiernamente, regresarme de tarde,
dormir de noche, despertar de ayer,
mirar, muy nuevo, el sol
y vestirme, alma mía, ¡sí!, vestirme de hoy.






Juan Liscano



viernes, enero 20, 2017

Presencia



Cien pasos doy de para atrás
pero la muerte los advierte.
Rogelio Echavarría



1
Si estoy, está conmigo.
Si me atareo en mis asuntos,
me sigue.
Ojea por sobre mi hombro si leo,
atisba por sobre mi hombro si hago.


2
Con un sobresalto,
de un salto,
me pongo de pies.
¿Quién era?
Miro en torno mío.
Nadie, nada.



3
Acaso, cuando giro
sobre mi calcañar,
gira también
con una pirueta,
con un esguince silencioso.


4
Y si voy va detrás,
si vengo viene,
si me detengo se detiene.
Siento sus artejos en mi nuca,
su acezo en mi oreja. 



5
Hago, pues, que voy y vengo,
hago que estoy,
hago que hago,
que me atareo en mis asuntos. 


6
Y si también esto que digo,
este verso que hago
fuera tan sólo,
y de nuevo, la vieja
mentira del lobo?




José Manuel Arango