Je voulais faire un film
Je l'ai fait, je n'ai pas attendu Canal +
Je n'ai pas attendu le CNC
J'en avais marre de voir les mêmes
s'emparer de nos récits
Alors j'ai écris mon propre scénario
Dépeint nos vies
Je ne suis pas resté les bras ballants
Je n'ai compté que sur mon talent
Je ne suis pas " un fils de"
Il n'y a que mon détermination qui ait le bras long
J'ai dû en faire deux fois plus
Que ceux qui ont deux fois moins de talent que moi
En France c'est normal pour un Africain
Tu me demandes à qui la faute ?
En ce qui me concerne je ne suis pas venu au monde
Dans le but de bâtir les rêves d’un autre
Je porte mes victoires et mes échecs
Je ne suis pas un esclave
Je n’ai pas l’Etat français pour maître
Pourtant l’Etat français continue de vous la mettre
Et tu t’en sors peut-être
Ce n’est que des miettes
Pour mieux te faire croire que si tu as échoué c’est que t’es bête
Parce que la pierre que le bâtisseur rejette
Finira dans la fenêtre
Un seul film de Kery James
Deux cents faits par des bobos de merde
Woh, tu t’en es sorti tout seul
Tu vois ce que je veux dire tout seul
Pauvreté, combien sont sous le seuil
Depuis la bonne idée de l’Etat
De s’enrichir sur les immigrés
De leur refourguer les quartiers
Où la classe moyenne se suicidait
Mais compare ces quartiers
À ce que nos parents ont fuit
Le Bois-l’Abbé c’est le luxe
Pour quelqu’un qui vient d’Haïti
Quand j’observe ceux qui ont plus
Je me rappelle de ceux qui ont moins
D’aussi loin que je me souvienne
Je n’ai jamais vu maman se plaindre
Sais-tu d’où l’on vient ?
Moi je m’en suis sorti tout seul
T’as bien compris tout seul
Hein ?
Pauvreté sous le seuil
Les banlieues ne sont pas les seules
Campagne à l’abandon
La misère est aussi rurale
J’en connais des petits blancs
Pour qui la vie est brutale
Les blancs souffrent aussi, merci
Je voyais pas les news
La banlieue porte un gilet jaune depuis vingt ans
Tout le monde s’en bat les couilles
La France est dans le déni
Mélange d’ignorance et de mépris
Parle pas d’ethnies
J’ai des oncles qui croient que l’Afrique c’est un pays
Je connais les quartiers vus par ceux
Qui n’y mettent pas les pieds
Qui en parlent à tous les repas
N’envisagent même pas d’aller voir les faits
J’ai grandi dans : « Traîne pas avec ces gens tu vas te faire agresser »
Mythes et légendes à la télé
Faut s’intégrer sans qu’on se mélange
Galère sans contre-exemple
L’avenir sera ton présent
Pas de colonies sans conséquences
Racisme anti-blancs
Tant de complaisance
Crois-moi je connais cette France
Je ne dis pas que tout le monde est mauvais
Je dis que peur et négligence
Rendent une population méchante
Il y a du racisme en France à qui le dis-tu ?
J’ai écrit « Lettre à la République »
Toi, où étais-tu ?
On ne fait pas bouger les choses
En dressant seulement des constats
Subir ou agir
Je vais te le dire cash moi
La vie est une question de choix !
Ni de gauche, ni de droite
Mais si nos frères ne trouvent pas de taf
Qu’est-ce qu’ils peuvent faire
À part monter leur propre boîte ?
T’observes le monde avec un strabisme, t’es naïf
Tu crois encore à SOS Racisme
Et aux manifs
Je ne suis pas naïf, je suis trahi
Je ne crois plus ce qu’on m’a appris
L’égalité, la patrie
Ah oui ?
Est-ce que c’est toi qui choisis, montes ta boîte
Qui s’enrichit sur ton crédit ?
Rentre dans le système ou péris
Oublie tes rêves dans un hall de mairie
Tant qu’ils parleront d’élite
Ils disent que tu peux t’en sortir si tu le mérites
Mais tu mérites de t’en sortir
C’est qu’une technique
L’Etat veut t’endormir
Et jouer les marchands de sommeil
Un seul modèle de réussite
Le leur basé sur l’oseille
S’ils aident les jeunes à devenir des vieux comme eux
Tu peux toucher le jackpot
Tu battras pas le casino
À son propre jeu
Système en pyramide l’argent monte
La merde reste en bas
Je ne dis pas que tout le monde est dans le complot
Je dis que ça ne les dérange pas
J’ai des frères qui sont partis
Je vois pas la téci en rose
Car j’ai poussé parmi les orties
J’ai vu des mecs remplis de vices
Fumer un type
Que leur mère considérait pourtant
Comme leur propre fils
Balle dans la tête, mort violente
Est-ce l’Etat qui appuie sur la détente ?
Comme dans les quartiers nord
On finit par s’y faire
On n’a jamais eu besoin de l’Etat
Pour remplir nos cimetières
Bavures policières
Pas de filets de sécurité
Contrôle d’identité
À l’âge où tu sais pas qui t’es
Finir par glorifier des trucs peu glorieux
Grandir dans le feu
Il y a plus d’obstacles
Et ils sont plus dangereux
Mets ta vie en jeu
Trafic de stup à des « fils de »
Enfermés pour qu’ils s’évadent en soirée
T’es qu’un pion dans leur petit jeu
Les politiques, il n’y a que la gloire qui les motive
Comment croire le contraire quand les présidents ----
Des meufs du showbiz
Dans le showbiz
Combien de banlieusards millionnaires
Ont banni le mot solidarité de leur dictionnaire ?
De l’oseille on en a pris
Hein combien ?
Combien d’entrepreneurs ?
Combien de stars la banlieue a produit ?
Mais le succès les rend amnésiques
La peur de perdre ce qu’ils croient posséder, paraplégiques
Combien ?
Combien osent monter au créneau ?
Combien osent leur faire face quand ils nous salissent dans leurs journaux ?
À qui la faute ?
Je n’essaie pas de nier les problèmes
Mais je ne compte pas sur l’Etat, moi
Je compte sur nous-mêmes
À qui la faute ?
Cette question appartient au passé
Je n’ai qu’une interrogation, moi
Qu’est-ce qu’on fait ?!
Kery James, Orelsan
Lien vers la chanson avec des sous-titres en Anglais et en Français :